
Vingt mille personnes ont manifesté samedi, à Berlin contre l’agriculture intensive et la généralisation des fermes-usines. Nous avons visité une de ces installations. Surprise : elles ne sont même pas rentables.
En marge de la Grüne Woche ("semaine verte") de Berlin, le salon de l’agriculture allemand, près de 20.000 personnes ont défilé samedi 16 janvier sous la bannière du collectif "Wir haben es satt" ("ça nous gave"). Elles réclament notamment la fin des subventions aux fermes-usines. Ces exploitations de masse prospèrent en Allemagne depuis cinquante ans. Dans l’Est du pays, elles ont même anéanti le maillage paysan. L’une d’entre elles a accepté de nous ouvrir ses portes.
Coup de téléphone au premier syndicat agricole d’Allemagne : on aimerait bien visiter une ferme-usine « typique » de l’Est du pays. Il paraît qu’elles sont gigantesques. « Appelez M. Bielagk, il vous recevra sans doute, il a l’habitude des journalistes. » Quelques jours plus tard, rendez-vous est pris à Beyern, à 140 kilomètres au sud de Berlin, avec cet éleveur qui « ne veu[t] rien cacher, pour que les gens comprennent [s]on métier ». Les chiffres du ministère annoncent 2.178 bovins, 8.300 porcins. Le vertige guette.
Arrivés sur place, surprise : l’exploitation ne contient que 870 vaches et 5.750 porcs. Le ministère recensait les capacités maximales. « Quand j’ai repris l’exploitation, il y a quinze ans, il y avait 2.000 vaches ici, mais ça me paraissait trop, alors j’ai pas mal réduit, explique Horst Bielagk. 800, 900 vaches, c’est une bonne taille. » (...)
Ce qui frappe d’abord, c’est la vétusté apparente des bâtiments, vieux de 55 ans. Le ciment se craquelle, les systèmes de ventilation sont rouillés, loin de l’image aseptisée et robotisée des élevages modernes allemands.
Pourtant, les dispositifs automatiques sont ici partout, sous les formes les plus inattendues. De vieilles cabines téléphoniques ont été transformées en robinets à lait pour les jeunes vaches. (...)
Notre guide nous conduit sur un autre site, où 4.000 bêtes sont réparties dans huit bâtiments. Malgré l’immensité de l’exploitation, les vaches ne disposent que d’une dizaine de mètres carrés chacune, les cochons n’en ont qu’un, soit le minimum autorisé. (...)
Pour traiter la quantité colossale de lisier produite sur l’exploitation, la coopérative a investi il y a cinq ans dans l’achat de deux méthaniseurs. Les bioréacteurs fabriquent de l’électricité à partir des excréments du bétail, mélangés à du maïs cultivé sur les champs alentours. Une partie de l’énergie sert à chauffer la ferme ; le reste est revendu à prix fixe au réseau public. L’ensemble a coûté 2,4 millions d’euros. « C’est notre meilleur investissement. Rendez-vous compte, on transforme de la merde en argent ! »
C’est surtout la seule source de revenus stable. (...)