
En France, la rentrée est marquée par le procès des agresseurs de Clément Méric, militant antifasciste tué en juin 2013. Plusieurs militants identitaires viennent par ailleurs d’être mis en examen, suspectés d’avoir participé à un commando en mars dernier contre des étudiants montpelliérains occupant leur université. En Allemagne, manifestations et violences se multiplient contre les migrants. En Italie, les agressions augmentent contre les personnes noires ou arabes. Alors que les mouvements d’extrême-droite et xénophobes européens enchaînent les succès électoraux, les violences perpétrées par leurs militants ou les groupes radicaux qui se développent dans leur sillage inquiètent de plus en plus. Etat des lieux.
De la Suède à la Grèce en passant par la France, les partis d’extrême-droite n’ont jamais été aussi électoralement forts en Europe, accédant même au pouvoir en Italie ou en Autriche. Dans leur sillage, toute une série de groupes identitaires ou carrément néo-nazis sont tentés d’investir la rue par la violence, comme en Allemagne, qui connaît depuis plusieurs semaines une nouvelle série de manifestations d’extrême droite avec leur lot de violences xénophobes, ou en Italie, où les agressions racistes se banalisent. Un regain inquiétant, même si les agressions anti-migrants ne sont, malheureusement, pas une nouveauté.
Allemagne : sept personnes assassinées par l’extrême-droite chaque année(...)
En Allemagne, depuis 1990, date de la Réunification, au moins 193 personnes ont été tuées par la violence d’extrême droite. Soit sept personnes assassinées par des militants d’extrême-droite chaque année !(...)
investigation en direction d’un motif politique », explique l’organisation Amadeu Antonio Stiftung.
Parmi ces 193 morts, les cibles privilégiées sont les personnes migrantes et les exclus. Matle Lerch, sans domicile, est battu à mort par deux skinheads, le 12 septembre 2000, dans la région du Schleswig-Holstein. Les deux agresseurs ont déclaré s’être sentis insultés par des propos de l’homme qui avait critiqué la mouvance skinhead. Samuel Kofi Yeboah, 27 ans, originaire du Ghana, meurt neuf ans plus tôt, le 19 septembre 1991, dans l’incendie d’un foyer pour demandeurs d’asile, à Sarrelouis, près de la frontière française. Les responsables de l’incendie — volontaire — n’ont jamais été identifiés mais le mobile d’extrême-droite a été retenu.
Groupe terroriste néonazi
Dix personnes — huit d’origine turque, un Grec, une policière — ont été tuées entre 2000 et 2007 par le groupe terroriste néonazi NSU (Nationalsozialistischer Untergrund). Le procès de la dernière membre connue encore en vie de ce groupuscule, Beate Zschäpe, s’est terminé en juillet dernier. Elle a été condamnée à la perpétuité. Deux de ses comparses, deux hommes, s’étaient suicidés en 2011. De nombreuses zones d’ombres perdurent sur le réseau d’aide et de soutiens dont les trois terroristes ont bénéficié pendant dix ans.
En 2016, le 17 septembre, un homme sans domicile de nationalité moldave est tabassé par le directeur d’un supermarché à Berlin. Celui-ci a ensuite commenté son acte par des propos racistes sur les réseaux sociaux. La victime est décédée quelques heures plus tard des suites de ses blessures. Le 19 octobre 2016, un policier est tué, lors d’une perquisition, par un membre du groupuscule des « Reichsbürger » (« citoyens de l’empire »), un groupe d’extrême droite qui ne reconnaît pas l’existence de la république allemande, ni ses lois.(...)
En Italie, 11 homicides d’extrême droite en seulement quatre ans(...)
En France, à notre connaissance, aucune carte ne recense les homicides liés à l’extrême-droite. Le nombre d’homicides causés par cette violence politique y semble cependant bien plus faible qu’en Allemagne. Bien avant Clément Méric, tué en 2013, il y a eu le meurtre d’Ibrahim Ali, à Marseille. Ce jeune Français (17 ans) d’origine comorienne est tué par balles par des colleurs d’affiches du FN le 21 février 1995. Nous sommes alors en pleine campagne pour l’élection présidentielle. Les trois colleurs d’affiches ont écopé de 10 à 20 ans de prison. Bruno Mégret, alors député européen et l’un des principaux dirigeants du FN, vient plaider en leur faveur lors de leur procès. Trois mois plus tard, entre les deux tours de la présidentielle, alors que Jean-Marie Le Pen a pour la première fois franchi la barre des 15 % au premier tour, le FN organise sa manifestation annuelle à Paris, le 1er mai. En marge du défilé, Brahim Bouarram, de nationalité marocaine, est poussé dans la Seine, où il se noie. Plusieurs sympathisants et militants du FN et de L’œuvre française, un groupuscule néofasciste — dont les meurtriers de Clément Méric sont, 17 ans plus tard, également proches — sont condamnés.
Torturé puis tué parce qu’il « était homo et avait la peau noire »
En 1990, un jeune Mauricien, James Dindoyal, paie de sa vie sa rencontre avec deux skinheads du Havre, proches des Jeunesses nationalistes révolutionnaires (JNR). Parce que, selon eux, il s’agissait d’un « boucaque » — mélange des termes « bougnoule » et « macaque » —, ils l’ont forcé à ingurgiter un mélange de bière et de produits toxiques avant de le jeter dans la mer, du haut d’une digue [4]. En juin 2007, à Reims, Alexis Frumin est torturé puis étranglé par ses quatre colocataires parce qu’il « était homo et avait la peau noire », reconnaît l’un des accusés. Son corps est jeté dans une rivière. Tous les quatre étaient proches de la mouvance skinhead néonazie, arborant croix gammée, drapeau allemand et écoutant du « rock anticommuniste et antiracaille » [5]
Un autre militant proche — encore ! — des JNR et de la mouvance d’extrême-droite lilloise a été mis en examen en juillet 2017 pour l’affaire des « noyés de la Deûle ». (...)