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Reporterre
Écolo et antiraciste : derrière les fourneaux de la cuisine afrovégane
Article mis en ligne le 13 juin 2022
dernière modification le 12 juin 2022

Le véganisme est souvent perçu comme une mode récente, réservée aux Occidentaux privilégiés. Le mouvement afrovégane entend bien lui redonner toute sa dimension écologique et antiraciste. Témoignages.

À Paris, le restaurant L’embuscade est devenu l’un des ambassadeurs de l’afrovéganisme. En contrebas du quartier Pigalle, cette rhumerie capverdienne ouverte depuis vingt-quatre ans propose depuis plus de deux ans une cuisine végétale concoctée par la cheffe anglonigériane Phoebe Dunn. (...)

« La cuisine, c’est toujours politique. La gastronomie touche aux notions de transmission, d’héritage culturel, à l’histoire des peuples et des individus, explique à Reporterre celle qui est végane depuis trois ans. L’afrovéganisme, c’est une manière de proposer d’autres récits autour de la cuisine originaire d’Afrique. C’est aussi un pied de nez à l’aura de supériorité qui entoure la nourriture française. À travers mes plats, je veux pouvoir décoloniser nos visions de la gastronomie et redonner aux afrodescendants la fierté de leurs origines. »

Car l’afrovéganisme a une longue histoire (...)

Si l’agrovéganisme a largement creusé son sillon aux États-Unis, au Canada ou au Royaume-Uni, il gagne aujourd’hui en visibilité en France. Dès 2016, après un voyage au Brésil et aux États-Unis, la cheffe Gloria Kabe, native du Val-d’Oise, a entrepris de le populariser. (...)

« Retrouver une souveraineté alimentaire est un pilier de la lutte antiraciste »

L’une des autres figures majeures de l’afrovéganisme français est Charlotte Polifonte, alias Mangeuse d’herbe. Cette activiste animaliste a un compte Instagram de recettes véganes auquel sont abonnées plus de 30 000 personnes. Afroféministe, elle est devenue végane il y a sept ans après avoir pris conscience de l’existence du « racisme environnemental ». Ce concept fait référence au fait que les industries polluantes, lieux de stockage de déchets toxiques se situent souvent près des quartiers où habitent des populations racisées. (...)

Pour Mangeuse d’herbe, il est crucial que les afrodescendantes et afrodescendants aient accès à une part souvent méconnue de leur héritage culinaire (...)

« Avant la colonisation du continent, les pratiques alimentaires en Afrique reposaient en grande partie sur des aliments d’origine végétale », confirme Émeline Pierre.

Pourtant, dans l’imaginaire collectif, le véganisme est avant tout incarné par des personnes blanches, par ailleurs urbaines et aisées. (...)

« Comme dans la plupart des mouvances écologistes, les personnes blanches sont mises sur le devant de la scène et les personnes racisées, invisibilisées », s’insurge l’instagrameuse Charlotte Polifonte. (...)

« L’alimentation végétale n’est ni une mode, ni une invention de personnes blanches issues d’un milieu favorisé, soucieuses de l’environnement et de leur santé. Elle existe depuis des siècles dans de nombreuses cultures. »

D’après Émeline Pierre, c’est à cause de ces idées reçues autour de l’alimentation végétale qu’il n’est pas toujours évident pour les afrodescendants de se revendiquer véganes (...)

Charlotte Polifonte confirme : « Avec la colonisation de l’Afrique par les Blancs, les Noirs ont été rabaissés au statut d’animaux. Cette blessure traumatique rend les communautés noires moins enclines à lutter pour les droits des animaux, car leur supériorité par rapport à eux a été difficilement acquise. Elle n’est d’ailleurs jamais gagnée, en témoignent les discours racistes qui renvoient les Noirs à leur prétendue animalité. Il faut donc faire preuve de pédagogie pour déconstruire cette hiérarchisation des individus et montrer que tous les êtres vivants méritent d’être traités sans violence. » (...)