Des enseignants arrêtés et non remplacés, de nombreux enfants testés positifs au Covid-19, des classes qui ferment… Alors que les contaminations explosent dans les écoles des zones les plus touchées, le discours qui consiste à faire croire que tout est sous contrôle à l’Éducation nationale devient de plus en plus inaudible.
Aujourd’hui, on n’était plus que deux pour cinq classes. Là-dessus, le médecin scolaire m’appelle pour m’indiquer que nous sommes cas contacts à risque car nous avons déjeuné avec les autres. On va devoir s’isoler à notre tour », raconte Julie. Plus de professeurs, plus de directrice… plus d’école ? Comme si la situation n’était pas déjà assez rocambolesque, l’inspection académique a refusé tout net de fermer l’établissement : « Ils vont envoyer un ou deux remplaçants qui ne connaissent pas les lieux. Je ne serai même pas là pour les accueillir ! », s’étrangle l’intéressée. (...)
Pendant combien de temps encore les directions académiques parviendront-elles à colmater les brèches pour maintenir le cap fixé par le ministre de l’Éducation nationale, qui se félicite d’avoir su garder les écoles ouvertes ? Depuis des mois, Jean-Michel Blanquer soutient mordicus que ce n’est pas là qu’on se contamine. Il vient d’ailleurs d’annoncer la réouverture des gymnases et des piscines pour les publics scolaires qui vont pouvoir souffler et suer tranquilles. Tout est maîtrisé, martèle-t-il à la télévision. Mais pendant ce temps, l’épidémie flambe. Le 19 mars, 15 484 élèves étaient contaminés, contre 9 221 la semaine précédente. Quant au nombre de personnels testés positifs, il a bondi de 1 106 à 1 809. Dans les zones les plus touchées, c’est encore plus net. (...)
« Ils font tout pour essayer de calmer les esprits alors que, sur le terrain, on est face à des situations incontrôlables », alerte Arnaud Fabre, professeur au collège et administrateur national d’un collectif d’enseignants baptisé Les Stylos rouges.
Tout manque, jusqu’au gel hydro-alcoolique (...)
Le virus fait aussi des ravages dans les Hauts-de-France, où tous les voyants sont au rouge. Dans un groupe scolaire de Bailleul, entre Lille et Dunkerque, ça va de mal en pis. Le directeur est contaminé, une classe de maternelle, fermée, plusieurs élèves en élémentaire sont évincés, de même que tous les enfants handicapés qui bénéficient du dispositif Ulis. À quoi s’ajoutent les aléas habituels qui prennent soudain des proportions inédites. Depuis qu’une enseignante s’est fait arrêter pour une autre maladie que le Covid-19, c’est une vingtaine de marmots dont on ne sait plus quoi faire. « Ces enfants ne peuvent pas être répartis dans les autres classes car il faut respecter la règle du non-brassage. Du coup, dans mon école, on ouvre une porte et c’est l’enseignant d’à côté qui surveille un peu le deuxième groupe. Ailleurs, certains collègues font appel à des Atsem [agents territoriaux qui assistent les enseignants de maternelle] pour encadrer les élèves, alors que ce n’est pas dans leurs attributions », constate Alain Talleux, co-secrétaire du SNUipp dans le Nord. (...)
Comment freiner la circulation du virus quand tout manque, jusqu’au gel hydro-alcoolique ? Les « brigades anti-Covid », composées de contractuels embauchés en contrat court, ne sont ni assez étoffées ni suffisamment formées pour pallier les absences qui se multiplient. Les enseignants ne sont toujours pas prioritaires pour la vaccination, même s’ils pourraient bénéficier d’une campagne particulière « mi- ou fin avril », à en croire les dernières déclarations d’Emmanuel Macron. Quant aux tests salivaires destinés aux profs et aux élèves, ils arrivent au compte-gouttes. (...)
Dans les zones où le virus circule le plus, c’est le chaos. Les laboratoires qui analysent les prélèvements ne suivent pas le rythme, l’Agence régionale de santé croule sous les appels et tarde à répondre aux questions des équipes éducatives, les familles sont contactées en pleine journée pour venir récupérer leur enfant qui est cas contact ou prévenues le matin même que la classe est fermée… « La situation n’est pas tenable pour les parents qui doivent garder leur enfant en éviction du jour au lendemain, déplore Séverine, qui a appris par texto que la maîtresse de sa fille était positive un dimanche soir. Le lundi, c’était le grand retour de l’école à la maison. (...)
La prochaine étape ? Beaucoup craignent que la fermeture des écoles ne devienne inévitable. À moins d’enclencher tout de suite la vitesse supérieure en matière de recrutements, de tests salivaires et de vaccination, on fonce droit vers ce scénario.
Au lycée Eugène Delacroix de Drancy, le droit de retrait est prolongé jusqu’à samedi devant l’augmentation des contaminations. Le lycée n’est toujours pas fermé. Rappelons que dans ce lycée depuis le début de la crise sanitaire, 20 élèves ont perdu un parent du coronavirus.
— Johan Faerber (@JFaerber) March 25, 2021