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Révolution féministe
ENFANTS VIOLENTES : « circulez y’a rien à voir »
Article mis en ligne le 22 janvier 2019

Françoise Laborde est journaliste, présentatrice de télévision et écrivaine. Elle est fondatrice et présidente de l’association PFDM « Pour les femmes dans les médias », qui rassemble les femmes dirigeantes dans les médias. Elle vient de publier « Le massacre des innocents : les oubliés de la République ».

FS : Vous donnez des chiffres effarants dans votre livre : 2 enfants tués chaque semaine « dans le secret du cercle familial », un enfant est violé toutes les heures en France. Vous dites que cette indifférence sociale est due au fait que les enfants ne votent pas, et n’ont pas des milliers d’amis sur Facebook. Mais les femmes votent, ont des milliers d’amis sur Facebook, et les campagnes contre les violences masculines font du bruit. Pourtant les violences sur les femmes ne diminuent pas non plus. Vos commentaires devant ce peu d’efficacité des campagnes anti-violences ?

FL : D’abord, je suis frappée de voir que, quand on fait campagne sur les femmes battues, on oublie souvent les enfants. En France, on a tendance à regarder avec beaucoup d’inquiétude et d’effarement le nombre de femmes battues par leur compagnon, mais les chiffres des violences sur enfants ne sont jamais rappelés. C’est un désavantage premier pour les enfants : le manque d’information.

On le voit avec la dernière campagne qui a eu lieu avec la mobilisation autour de Jacqueline Sauvage. On oublie de dire que pendant des années, les filles de Jacqueline Sauvage ont été violées par leur père. Quand on parle de victimes de violences, on évoque toujours la mère, on n’évoque pas les enfants. Et on ne parle pas en particulier des enfants qui ne sont pas protégés par leur mère quand elle est victime de violences, parce qu’elle n’est pas en situation de les protéger. Il y a une campagne autour de la nouvelle loi de Marlène Schiappa mais cette loi ne protège absolument pas les enfants–c’est une particularité française que de ne pas regarder les violences faites aux enfants.

Maintenant, vous m’interrogez sur le fait que les violences ne diminuent pas, c’est hélas une vérité qui est valable pour le monde entier. On a pensé un moment qu’au XXIème siècle, les conflits internationaux, les tortures, les conflits religieux allaient avoir tendance à disparaître—on voit qu’il n’en est rien, et que la violence est plus que jamais présente dans nos sociétés. Il n’y a aucune raison , vu que la violence semble encore plus présente qu’avant, qu’elle épargne les enfants et les femmes (...)

Lors du procès d’Angers, que nous comparons avec le procès d’Outreau, et où il y a eu une soixante d’accusés pédophiles, tout s’est passé de façon –on ne peut pas dire sereine– mais conforme au droit parce que le témoignage des enfants avait été recueilli dans des centres prévus à cet effet, enregistré, et qu’on ne leur a pas demandé cinquante fois de répéter la même chose. A Outreau, les enfants qui ont témoigné, ils étaient dans le box des condamnés ! Donc on voit bien qu’il y a eu une inversion absolue des priorités et des valeurs, et c’est ça qu’on a essayé de démontrer : très souvent, on fait de l’enfant victime un enfant coupable. (...)

FS : J’avais aussi remarqué, au moment de l’affaire d’Outreau, qu’il y avait dans les médias une campagne pour décrédibiliser la parole des enfants, pour souligner que, par définition, elle n’était pas fiable, que les enfants mentaient souvent. Ca évoquait un peu le concept freudien de l’enfant « pervers polymorphe »…

FS : Absolument. Et c’est toujours le cas. On a toujours tendance à mettre en doute la parole des enfants. Et on voit aujourd’hui, avec toutes ces campagnes, avec le mouvement #metoo aux Etats-Unis, avec le fait que se révèlent maintenant des tentatives d’agressions sexuelles très anciennes, que la parole des enfants n’est jamais entendue avec la sérénité et le sérieux indispensables–elle dérange. (...)

le simple fait de la minorité, le simple fait de l’écart d’âge entre un enfant et un adulte devrait suffire à caractériser la violence, la menace, la contrainte ou la surprise. L’écart d’âge devrait suffire, donc il devrait y avoir une définition particulière du viol pour les mineurs, notamment pour le viol de mineurs par adulte. Cet écart d’âge est essentiel et devrait être pris en considération, en particulier on devrait prendre en considération l’âge du mineur, mais tout ça n’existe pas dans la loi et la nouvelle définition de la loi ne change absolument rien à ça. Et comme d’habitude, ce sont les juges qui peuvent tenir compte de ces éléments—ou pas—mais il n’y a aucune espèce d’obligation pour eux—un juge peut considérer comme normal qu’une fillette de 11 ans ait des relations sexuelles « consenties » avec un homme de 30 ans, sans qu’il y ait viol. Dans les affaires récentes, à partir du moment où une fillette de 11 ans suit sans se méfier un adulte qui lui dit « viens, je vais te montrer quelque chose », et qu’elle ne se débat pas, qu’elle n’essaie pas de se défendre ou de le frapper, on considère qu’il n’y a pas viol. On est un des seuls pays à ne pas avoir légiféré là-dessus. (...)