
Dans treize quartiers populaires lyonnais, l’association Vrac lutte contre la précarité alimentaire. Plusieurs groupements d’achats, fonctionnant comme des Amap, permettent aux habitants d’acheter des produits issus de l’agriculture paysanne et biologique à prix coutant.
Entre les murs du Centre social de la Sauvegarde, au cœur du quartier de La Duchère se tient un singulier marché. Sur des nappes tout juste dressées, des balances électroniques aux écrans verts s’alignent aux côtés de sacs d’amandes, de farine, et de lentilles, produits tous issus d’agriculture biologique. Des bidons d’huiles d’olive et de lessives sont serrés contre des bouteilles de jus de pomme locaux. Alors que l’après-midi débute doucement en ce milieu de semaine, une vingtaine d’habitantes du quartier sont déjà présentes pour récupérer leurs commandes auprès de cette permanence éphémère de l’association Vrac (acronyme de Vers un réseau d’achat commun).
Devant l’un des étals, Janique, résidente du quartier, jette un regard gourmand sur un sac de dattes. « Ça me rappelle mon enfance à Tunis », murmure-t-elle avec un sourire. Derrière l’éventaire, Monique, qui arbore une grisaille de cheveux et des lunettes en écaille de tortue, lui demande : « Vous avez fait une commande ? Sinon ça peut manquer à quelqu’un d’autre. » Janique opine : « Oui, 200 grammes », répond-elle après avoir consulté sa fiche. Ici, chacun a sa liste de courses à la main, comportant les détails de sa commande, les quantités et les prix, et coche les articles au fil des pesées. (...)
Le centre social n’a pourtant rien d’une épicerie, et les personnes à l’origine de cette initiative n’ont pas l’esprit marchand : tous les produits sont vendus à prix coûtant. Lancée en 2013 dans trois quartiers populaires lyonnais, l’association Vrac s’était donnée pour objectif de lutter contre la précarité alimentaire en donnant accès à ses habitants à des aliments de qualité issus de l’agriculture paysanne, biologique et équitable à des prix plus abordables que ceux des grandes surfaces ou des magasins spécialisées.
Appuyé par la fondation Abbé Pierre et soutenu par un bailleur social, Vrac a depuis bien grandi (...)
au fil des ans, d’autres groupements d’achats ont éclos en périphérie de Paris et à Strasbourg, Bordeaux, Toulouse… De nouveaux projets sont en développement à Nantes et Lille. (...)
Pour obtenir des prix inférieurs à ceux du marché, la solution réside dans la logistique, selon Boris : « Il faut travailler en direct avec le producteur, sans intermédiaire, et en gros volume. » Pour des raisons d’hygiène et de stockage, l’association ne fournit pas d’aliments trop vite périssables dont de nombreux fruits et légumes, ce qui bride l’accès à certaines denrées très demandées. Pour autant, le catalogue de Vrac reste riche (...)
Boris Tavernier reste cependant lucide sur les limites de Vrac : toutes les denrées ne proviennent pas de circuits courts, ou même de producteurs français. « Quand tu travailles sur des produits secs, tu ne peux pas voir des milliers de produits en circuit court. Notre huile d’olive vient de Catalogne. C’est un producteur en direct, mais il est de l’autre côté de la frontière. Le café et le chocolat viennent d’Amérique du Sud... On est obligé de faire confiance à un label qui nous a raconté la manière dont il travaille avec les producteurs sur place… » D’autres problèmes viennent parfois également enrayer la machine de Vrac. Les inexactitudes dans les commandes ou dans les quantités livrées ne sont pas rares. « Nous ne sommes pas un supermarché, il peut y avoir des erreurs, de notre côté ou de celui des adhérents, défend Élisa, c’est un groupement d’achat, pas un supermarché en mesure de gérer des gros stocks. » (...)
« Vrac est en appui, mais l’impulsion qu’on veut donner, c’est que ce soit les habitants qui soient en charge », répond Joachim, chargé de mission chez Vrac. « Sur les treize groupements de Lyon, cinq sont complètement autonomes, dit Boris, mais pour les groupements historiques, c’est impossible d’en partir. Ils ne s’autonomiseront pas : il y a un lien trop fort qui s’est créé entre nous. » Concernant les antennes créées ailleurs en France, l’association a choisi de valoriser l’ancrage territorial et de laisser le soin aux acteurs locaux de prendre en main les nouveaux groupements d’achats. (...)