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Dette et agriculture industrielle : une union sacrée
Article mis en ligne le 1er septembre 2014

La dette et l’agriculture industrielle sont fortement liées. Pour comprendre cette interconnexion, il est nécessaire de revenir sur le cercle vicieux de la dette. En analysant d’abord comment la conditionnalité des prêts des institutions financières internationales (IFI) a favorisé une agriculture extractive et a renforcé la dépendance des pays du Sud. Puis, en mettant en avant la corrélation entre l’émergence d’une agriculture industrielle et l’endettement privé des paysans du Sud comme du Nord.

Comment la dette influence les politiques agricoles ?

Du système colonial…

Le système colonial a restructuré les agricultures des pays du Sud dans le but de fournir à ses métropoles les produits dont elles avaient besoin |1|. Durant cette période, l’Europe importait de ses colonies des matières premières (des épices, du sucre, du café, du coton, du caoutchouc, etc.) ainsi que des céréales afin de nourrir sa population urbaine croissante et ainsi encourager le processus d’industrialisation. Les pays du Sud ont été ainsi forcés d’établir un système agricole tourné vers les exportations |2|.

Après la décolonisation, les Etats nouvellement indépendants ont essayé d’intervenir dans l’économie et particulièrement dans l’agriculture pour mettre fin à la dépendance envers les importations étrangères. Mais très vite, l’Etat interventionniste fut taxé d’inefficacité et les anciennes structures coloniales remplacées par le mécanisme de la dette, qui fut (et est encore) fondamental pour maintenir cette relation de dépendance.

… à celui de la dette

Pendant les années 1960, les banques occidentales regorgeaient d’eurodollars (provenant principalement du Plan Marshall après la Seconde Guerre Mondiale), prêts à être investis. A partir de 1973, le choc pétrolier a entraîné une augmentation des prix du brut de 70% assurant ainsi d’importants revenus aux pays exportateurs de pétrole. L’argent issu de la vente du pétrole a été déposé dans les banques occidentales qui ont accumulé encore plus de capital grâce à ce que l’on appelle alors les pétrodollars. En raison du nombre élevé de liquidités disponibles, les taux d’intérêts ont considérablement baissé et les banques occidentales ont encouragé les pays du Sud à emprunter. Ceci constitue la part dite privée de la dette extérieure des pays du Sud |3|.

De plus, la crise du pétrole a également déclenché une récession économique en Europe, laissant les produits du Nord invendus. (...)

En réponse à la crise de la dette des pays du Sud, les Institutions Financières Internationales (IFI), en particulier le Fond Monétaire International (FMI), leur ont accordé de nouveaux prêts conditionnés, plus connus sous le nom de Programmes d’Ajustements Structurels (PAS). Grandement à la mode à cette époque, ces derniers ont renforcé la mise en place d’une agriculture tournée vers l’export et ont accentué cette relation de dépendance commencée durant la période coloniale. Les élites corrompues des pays du Sud ont également joué un rôle fondamental dans le maintien des politiques néocoloniales. Les dirigeants opposés à ce système de dépendance ont été renversés par des coups d’États et des guerres, alimentés en armes par le Nord.

Les mesures mises en œuvre à travers les PAS étaient marquées du sceau néolibéral : libéralisation, privatisation et recul du rôle de l’Etat. Sous chantage du FMI, les pays du Sud ont donc été forcés d’ouvrir leurs frontières ne pouvant alors plus faire face à la concurrence des denrées du Nord subventionnées et produites à grande échelle. De plus, les pays en développement ont été contraints par les PAS de mettre en place une agriculture exportatrice et intensive et de consacrer les revenus ainsi dégagés au paiement de la dette. Les PAS ont donc non seulement exacerbé la crise de la dette mais également entraîné la perte de cultures locales, d’une partie de la biodiversité ainsi que de la possibilité d’autosuffisance alimentaire pour les pays du Sud.
Étant donné que les changements économiques sont la condition pour recevoir des prêts des IFI les politiques exigées étaient principalement conçues pour faciliter la croissance du Nord et son contrôle sur le Sud. (...)