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Des semences libres pour délivrer les paysans des géants agro-industriels
Article mis en ligne le 15 novembre 2016
dernière modification le 11 novembre 2016

Semer, sélectionner, échanger librement ses semences : ces pratiques ancestrales contribuent à l’autonomie des paysans et à la diversité des cultures. Mais ces dernières décennies, à cause d’une réglementation de plus en plus complexe, une partie des savoirs a été perdue. Refusant la mainmise de quelques multinationales, des paysans s’organisent pour faire revivre d’anciennes variétés de semences agricoles ou pour en créer de nouvelles, adaptées à leurs pratiques et aux particularités de leur environnement. Reportage dans une bourse d’échange de semences, en Rhône-Alpes.

« La bourse d’échange de semences va commencer. » En quelques minutes, des dizaines de sacs contenant des semences de blé recouvrent la table. Ces variétés ont une particularité : toutes ont été semées, sélectionnées et démultipliées par des paysans, directement dans leur champ. Elles sont libres de droits, non soumises à la propriété intellectuelle de quelque multinationale. « Ça c’est un mottet rouge, une variété de blé tendre qui était autrefois très répandue en Savoie, explique un participant. Elle est réputée donner un bon goût au pain ». Autour de la table, pas de jardiniers amateurs mais des paysans. Certains sont céréaliers, d’autres font de la polyculture et de l’élevage, d’autres encore sont paysans-boulangers. (...)

Reconquête de « l’autonomie semencière »

L’histoire de ces rencontres remonte à 2004. Des paysans de l’Ardear décident d’expérimenter l’usage de variétés paysannes de céréales, comme le blé, le seigle, l’orge ou le maïs. Ils veulent reconquérir leur autonomie semencière, c’est-à-dire cesser de s’approvisionner auprès des grandes firmes qui trustent le marché des semences, pour trouver des variétés plus adaptées à leurs pratiques. (...)

Synergie entre paysans et chercheurs

Une fois les semences retrouvées, il faut réapprendre à les connaître après des décennies d’oubli. Un travail de « sélection participative » des blés a été mis en place depuis dix ans, associant les paysans à des chercheurs de l’Inra. L’idée est de mener des recherches en partant d’un réseau de fermes et de leurs besoins spécifiques. Raphaël Baltassat, paysan près d’Annemasse en Haute-Savoie, participe à ce programme incluant 65 fermes en France et 1350 parcelles de culture. Il compte à lui seul une « collection » de 80 variétés. (...)

Environ dix mètres carrés par variété sont nécessaires. Et pour partager les expériences et connaissances acquises, des formations et visites de fermes sont régulièrement organisées entre paysans. En parallèle, des essais sont menés à l’Inra pour évaluer les caractéristiques des variétés sur le plan nutritionnel et « organoleptique » – c’est à dire concernant leur apparence, leur odeur, leur goût, ou encore leur texture. (...)

Faire vivre les semences

Selon l’Ardear Rhône-Alpes, plus de 250 variétés de céréales à paille et de maïs sont ainsi cultivées et préservées sur les fermes, dans le cadre de ce programme de sélection participative. Les rencontres régionales des semis sont l’occasion de favoriser l’échange de ces semences entre les paysans. (...)

Si la vente de semences non inscrites au catalogue officiel est interdite par la loi, l’échange de semences en vue d’un travail expérimental est toujours possible [4]. Par ailleurs, « la loi biodiversité votée pendant l’été implique des changements », précise Émilie Lapprand, du Réseau semences paysannes. Les échanges entre paysans de semences et de plants libres de droits peuvent désormais se faire également dans le cadre de « l’entraide générale ». Si cette notion reste encore floue, dans l’attente de la publication des décrets [5], elle ouvre la possibilité pour les paysans d’échanger plus librement les semences qu’ils ont sélectionnées et multipliées dans leurs champs.

Réponses locales face au développement des multinationales semencières (...)

En dépit des freins politiques, la détermination des paysans à recouvrir leur autonomie et à développer la biodiversité cultivée est intacte. En cette fin de rencontre régionale des semis, chacun repart vers sa ferme avec différentes variétés entre les mains. Et avec l’espoir d’apporter des réponses locales face au développement démesuré des multinationales semencières. En achetant la géant Monsanto, l’entreprise Bayer s’apprête à contrôler près d’un tiers du marché mondial des semences.