
Le salon de l’agriculture qui a ouvert ses portes samedi dans une atmosphère de jacquerie, permettra sans doute au ministre Stéphane Le Foll de vanter malgré tout la qualité des produits issus de nos terroirs. « La plus grande ferme de France » avec ses animaux pomponnés et ses paysans en costumes traditionnels va présenter pendant quelques jours le visage d’une France rurale de carte postale qui fleure bon la campagne épanouie, avec tous ses labels, ses appellations, ses indications de provenance et autres marques de qualité, alors même que la colère des agriculteurs n’a jamais été aussi forte. Car derrière la vitrine et le folklore, notre modèle agricole dominant éreinte la nature et ses travailleurs.
Quand l’intensification et l’artificialisation prennent le pas sur toutes les autres pratiques, la communication permet de travestir la réalité et de dépasser la contradiction qui existe entre recherche de compétitivité et préservation d’une agriculture paysanne respectueuse de son environnement. Aujourd’hui, le salon de l’agriculture est avant tout un salon d’industriels de l’agro-alimentaire et ces industriels, Xavier Beulin en tête, font du marketing en essayant de satisfaire tous les segments de marché (en investissant aussi le bio) et de se démarquer d’une concurrence étrangère afin d’engranger de substantiels profits. Ainsi par exemple, dans le secteur de l’élevage où le revenu moyen des éleveurs a accusé une forte baisse en 2015(lire ici), le portail du ministère de l’agriculture signale que « les professionnels de la filière Viande ont lancé en 2014 la signature « Viandes de France » qui garantit origine et traçabilité, afin de valoriser leurs productions auprès des consommateurs ». Mais qu’est ce qui peut bien différencier une viande française issue d’un élevage intensif d’une viande espagnole ou allemande fabriquée suivant les mêmes méthodes et avec les mêmes aliments : la qualité des ampoules du bâtiment et de l’air ambiant ? L’éleveur fournit une matière première à bas prix et les industriels se chargent ensuite de la valorisation commerciale . . .
Et nos responsables politiques qui vont arpenter à la suite de François Hollande les allées du salon qui « est celui d’une crise exceptionnelle » continuent à encourager ce jeu de dupes, si néfaste aux consommateurs et aux agriculteurs.
L’agriculture n’est évidemment pas le seul secteur à être affecté par l’opposition flagrante entre les intérêts de tous ceux qui prospèrent dans leur bulle financière et les préoccupations de citoyens qui vivent dans le monde sensible : le scandale des moteurs truqués de la firme Volkswagen illustre cette contradiction inhérente au capitalisme ( et en particulier au capitalisme mondialisé) et le divorce qui peut exister entre l’image de marque, la qualité affichée et les caractéristiques réelles du produit fabriqué.
Cette contradiction affecte également les politiques : comment promettre le progrès social et tenir les engagements de la COP 21 quand le capitalisme a besoin de coûts de main d’œuvre et de normes environnementales nivelés par le bas ?
Le PS s’est clairement rallié à l’économie de marché mais affirme toujours « vouloir changer la société ». Il trahit en permanence le socialisme des origines mais avec bonne conscience. Il continue contre toute logique de prétendre que sa politique est destinée à améliorer le sort des classes populaires alors qu’il travaille exclusivement suivant un cahier des charges qui lui est dicté par le patronat et les classes possédantes. Le PS viole avec des mots doux un électorat qu’il se plaît à imaginer consentant.
Le PS se doit d’être à gauche - c’est un acquis social en quelque sorte - car la place est prise à droite et le marketing politique lui impose de jouer les faux-semblants ; il plaque donc systématiquement un baratin progressiste sur une politique de régression. Ainsi le nouveau projet de loi présenté par Myriam El Khomri satisfait les revendications les plus intransigeantes du MEDEF ainsi que les députés libéraux les plus durs du Parlement mais vise selon le gouvernement à « protéger les salariés, favoriser l’embauche et donner plus de marges de manœuvre à la négociation en entreprise ».
De fait, le néolibéralisme accepté et entretenu par nos dirigeants socialistes empêche toute possibilité de transformation sociale réelle et condamne le PS à n’être qu’une marque capitaliste de plus, désormais dévalorisée et délaissée.
Des primaires avec des représentants du PS n’auraient aucun sens s’il s’agit de désigner un candidat véritablement porteur d’une alternative. A la suite du « réquisitoire de Martine Aubry » publié dans le journal « Le Monde », des médias relaient désormais complaisamment l’éventualité de la candidature de l’ancienne ministre aux primaires de la « gauche ».
Mais en quoi le label Aubry changerait-il le contenant quand le système demeure le même ?