
Le Défenseur des droits tire une nouvelle fois la sonnette d’alarme : par une décision du 10 juillet 2020, publiée le 16 juillet, il dresse des constats précis et accablants des difficultés, résultant des procédures dématérialisées, rencontrées par les personnes étrangères pour déposer une demande de délivrance ou de renouvellement d’un titre de séjour.
Des constats anciens et très partagés
Bien avant la crise sanitaire, nombre de préfectures avaient fait le choix d’imposer l’obtention d’un rendez-vous via Internet pour déposer une demande de titre de séjour. Comme le relève le Défenseur, « il arrive fréquemment que ces personnes sont contraintes de se connecter chaque jour pendant plusieurs semaines voire pendant plusieurs mois avant d’obtenir un rendez-vous ». La situation de blocage est « un constat très partagé » (...)
Pour le Défenseur, les causes de blocage sont « multifactorielles » : saturation du dispositif, problèmes techniques, difficultés liées à l’inégale maîtrise des usagers et usagères des outils informatiques ou de la langue française… Autant de difficultés dont la portée « serait considérablement moindre si, comme le recommande de longue date le Défenseur des droits, une procédure alternative était systématiquement proposée ».
Des difficultés durablement amplifiées par la crise sanitaire (...)
« le Défenseur des droits constate avec regret que, depuis le début de cette crise, le cas des étrangers se trouvant en situation irrégulière sur le territoire mais remplissant les conditions pour bénéficier d’une régularisation – de plein droit ou dans le cadre de l’admission exceptionnelle au séjour – n’a fait l’objet d’aucune attention particulière ».
Dressant le bilan de l’application, sur les territoires, des préconisations du ministère de l’intérieur en temps de déconfinement (dépôt de demandes uniquement sur rendez-vous, reprise progressive de l’accueil physique à compter du 15 juin, réception prioritaire des personnes dont le titre expire à compter du 16 juin), le Défenseur constate des pratiques hétérogènes, préjudiciables aux droits des personnes étrangères (...)
Et la réponse administrative à la crise sanitaire fait la part belle à la dématérialisation, au risque de rendre plus inaccessible que jamais les services préfectoraux aux personnes les plus précaires ou aux personnes considérées comme non prioritaires.
Des lois protectrices mais des pratiques à transformer (...)
Légalement, les procédures dématérialisées ne devraient jamais s’imposer aux usager·e·s. Le Défenseur des droits demande donc une nouvelle fois au ministre de l’intérieur de s’assurer que « que plusieurs modalités d’accès effectif aux services publics soient systématiquement garanties afin qu’aucune démarche administrative ne soit accessible uniquement par voie dématérialisée ». En outre, il est demandé de veiller à offrir un nombre suffisant de créneaux de rendez-vous dans des délais ne dépassant pas deux mois.
Au total, dix-neuf recommandations relatives à la dématérialisation et à l’accès aux préfectures dans le contexte de la crise sanitaire actuelle concluent cette décision. Elles portent autant sur les droits des usagers et usagères, que sur les aspects organisationnels, techniques et matériels, liés à la dématérialisation. Et surtout, « dans les préfectures où la saturation des guichets était déjà notoire avant la crise sanitaire, le Défenseur des droits considère que la reprise progressive de l’enregistrement des demandes de titres de séjour doit nécessairement s’accompagner d’une dotation de moyens supplémentaires ».
Le ministre de l’intérieur dispose d’un délai de trois mois pour rendre compte des suites données aux recommandations. (...)