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De nombreuses questions entourent la mort de salariés, soufflés dans l’explosion d’une usine à Dieppe
Article mis en ligne le 12 mars 2019
dernière modification le 11 mars 2019

Il y a un peu plus d’un an, le 17 février 2018, deux techniciens sont tués par l’explosion d’un extracteur au sein d’une usine de traitement d’huile du groupe agro-alimentaire Avril. Les deux personnes décédées étaient salariées d’un prestataire, spécialiste des opérations de maintenance. Mises en examen pour homicide involontaire, les deux entreprises bénéficient de la présomption d’innocence. Mais leur responsabilité est pointée par plusieurs organisations syndicales et témoignages de salariés.

Partie civile dans la procédure, elles ont décidé de rendre publics certains éléments de l’enquête, témoignages et rapports de l’inspection du travail.

« Dès le début de l’intervention, il fallait déjà que ce soit terminé »
« Tout n’a pas été fait pour éviter cet accident », estime Gérald Le Corre. Un avis qui tranche avec celui du groupe Avril. Sa direction assure peu après l’accident que « toutes les procédures habituelles de prévention et de sécurité étaient conformes » [2]. Certaines auditions de témoins, principalement des salariés de la Snad, font cependant état d’une opération effectuée dans l’urgence. « Dès le début de l’intervention, il fallait déjà que ce soit terminé », raconte un de ces salariés. « On sentait bien qu’il y avait un caractère d’urgence, parce qu’il voulaient remettre en route le plus vite possible », rapporte un autre.

Le plan de prévention des risques n’a pas été correctement établi, affirment les organisations syndicales. Ces dernières soulignent que la panne ayant entraîné l’intervention de la Snad n’avait pas été envisagée, alors que l’extracteur date des années 1950 et que les probabilités de dysfonctionnement sont importantes. Autre point noir selon les syndicats : « Le plan de prévention est identique le vendredi et le samedi, alors que la situation y est différente. Le taux d’hexane baisse, et l’atmosphère devient de plus en plus explosive. » Or, l’accident a eu lieu un samedi. Les organisations syndicales pointent également le manque, voire l’absence, de formation des salariés qui sont intervenus. (...)

« Nous savions pertinemment que le risque d’explosion était très élevé »
En outre, plusieurs salariés sont entrés dans l’extracteur alors que cela n’était pas prévu au départ, et que certains d’entre eux ne l’avaient jamais fait. « C’était la première fois que j’intervenais sur un extracteur saturé d’hexane », déclare aux policiers un salarié de la Snad qui y est entré à la demande d’un responsable de Saipol, pour que l’opération de pompage soit « plus efficace ». Au moment de l’explosion, Alexandre Frontin est dans l’extracteur, tandis que Stéphane Gallois surveille l’opération, au niveau du trou d’homme par lequel on y entre.

Les risques d’explosion étaient apparemment connus. « La moindre étincelle en zone Atex peut provoquer incendie et explosion. Nous savions pertinemment que le risque d’explosion était très élevé », témoigne auprès des policiers une responsable de Saipol. (...)

D’autres points restent à éclaircir, en particulier l’absence de « consignation » – de coupure électrique totale – des outils à proximité immédiate de l’extracteur. Plusieurs salariés évoquent l’utilisation d’un treuil électrique, que l’explosivité ambiante aurait, selon eux, dû proscrire. L’expertise judiciaire devra déterminer si les outils utilisés ont pu, par la production d’électricité statique due à un frottement, provoquer l’explosion qui a balayé les deux techniciens. Le rôle d’un chantier qui se tenait à proximité de la zone de pompage, et qui n’était pas mentionné dans le plan de prévention, sera également exploré.

Saipol rappelle « qu’elle doit pouvoir bénéficier de la présomption d’innocence » (...)

Sans une politique sérieuse visant à les prévenir, il faut donc s’attendre à de nouveaux drames.