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De l’Europe aux Etats-Unis, ces villes qui s’opposent à leurs gouvernements pour mieux accueillir les migrants
Article mis en ligne le 29 août 2017

Aux Etats-Unis, des centaines de municipalités ont fait le choix de ne pas contribuer à la chasse aux sans-papiers lancée par Donald Trump. En Europe, des communes s’engagent pour un accueil digne des migrants. « Villes sanctuaires », « villes refuges »... De l’Italie à la Grande-Bretagne, de Barcelone à Grande-Synthe, ces communes tentent de se constituer en véritables contre-pouvoirs face aux politiques indignes et xénophobes.

(...) Dans les faits, ces villes refusent de coopérer avec les forces de l’ordre fédérales, lorsque celles-ci leur demandent de mettre des sans-papier en détention. Elles n’exigent pas forcément de leurs habitants de produire un certificat de naissance ou de séjourner légalement pour accéder aux services publics locaux. Certaines municipalités sanctuaires décident même de reconnaître comme valables sur leur territoire des papiers d’identité non états-uniens ou de distribuer leurs propres papiers d’identités municipaux à tous leurs résidents, quelle que soit leur nationalité.

De New York à Milan, en passant par Barcelone

Les métropoles parmi les plus importantes des États-Unis, comme New York, Los Angeles, Chicago, Boston ou Washington, ont adopté cette position. Et n’ont pas perdu la bataille face à Donald Trump, puisqu’un juge fédéral a bloqué en avril dernier le décret du président qui voulait leur couper les vivres [1].

En Europe aussi, confrontée à une crise historique de la gestion des migrations, des collectivités locales prennent le contrepied de la politique de fermeture menées par les États de l’Union européenne. Quand la plupart des gouvernements européens misent sur une gestion sécuritaire et des accords avec des pays aussi peu démocratiques que la Libye et la Turquie, (lire notre article Les envoyer en détention ou les livrer à une dictature : voilà comment l’Europe « délocalise » ses réfugiés), à Milan, le 20 mai dernier, 100 000 personnes ont manifesté à l’initiative du maire de gauche de la ville pour promouvoir l’accueil des migrants.

En février, c’était la maire de Barcelone Ada Colau, alliée du parti Podemos, qui appelait à une manifestation pour l’accueil des migrants. Là aussi, plus de 100 000 personnes ont répondu présentes. La capitale catalane a aussi initié un réseau international de villes engagées dans l’aide et l’accueil des migrants, Solidarity Cities (villes solidaires). Une impulsion également destinée à pousser le gouvernement espagnol à accélérer l’accueil des réfugiés arrivés en Europe, et qui devaient être relocalisés vers l’Espagne.

Crise du modèle d’accueil italien

« Il faut faire la différence entre les réseaux de villes solidaires en Europe et le mouvement de villes sanctuaires aux États-Unis, souligne cependant Filippo Furri, cherchceur membre du réseau Migreurop et doctorant à l’université de Montréal. En Europe, les municipalités se constituent en ville-refuge sur la question de l’asile. Aux États-Unis, le mouvement s’est plutôt construit pour protéger des personnes qui retombent dans l’irrégularité administrative après avoir déjà vécu un moment dans le pays. »

Filippo Furri connaît bien le cas italien, en particulier celui de Venise : « Avec les guerre des Balkans dans les années 1990, il y a eu une vague de réfugiés. À Venise, un élan de solidarité citoyenne et associative s’est joint à une volonté politique pour organiser un accueil digne. Un système d’accueil organisé s’y est mis en place dans la foulée, au début des années 2000. Venise est devenue une sorte de prototype du système d’asile qui s’est développé ensuite en Italie, et qui est en train de péricliter avec la situation d’urgence actuelle. » (...)

Aide au développement face à des États défaillants

« L’Italie, comme la Grèce, est en train de devenir un véritable territoire de rétention, déplore Filippo Furri. Il y existe des formes d’hospitalité et d’accueil dans la société civile. C’est une réponse face à une gestion de la part des États qui vise avant tout à contrôler les flux, à trier les gens, et à disperser les centres d’accueil en les imposant aux collectivités locales. Il y a conflit entre l’accueil local des municipalités, et le contrôle étatique. » De la même manière que des ONG prennent le relais des États et des autorités européennes pour sauver des vies en mer Méditerranée, des communes italiennes s’organisent pour faire ce que l’État italien refuse : organiser un accueil digne, et favoriser les échanges entre la population locale et les nouveaux arrivants.

Le réseau des « Communes de la terre pour le monde », fondé en 2003 en Italie, réunit aujourd’hui plus de 300 municipalités de tout le pays. (...)

Se constituer en associations de solidarité, au delà du seul objectif de gérer l’urgence, voilà ce qui fait sûrement la spécificité des réseaux des villes-refuges face aux politiques migratoire des États. (...)

City of Sanctuary au Royaume-Uni

En Grande-Bretagne aussi, des citoyens et des communes prennent le contrepied de la politique xénophobe du gouvernement conservateur. (...)

« La France n’est pas dans une démarche d’accueil »

Et en France ? Il y a bien l’exemple de Grande-Synthe, une ville du Nord de 20 000 habitants, où la municipalité a pris le parti de l’accueil des migrants en route vers l’Angleterre (voir notre article Conjuguer accueil des migrants, écologie et émancipation sociale : l’étonnant exemple de Grande-Synthe), notamment en construisant avec Médecin sans frontières un centre d’accueil permettant des conditions de vie décentes (repris en main par la préfecture, le centre a été détruit par un incendie en avril dernier). Des citoyens s’engagent aussi évidemment, de Calais à la frontière italienne, et se trouvent parfois traîné en justice pour « délit de solidarité » (lire notre article À la frontière franco-italienne, les habitants de la vallée de la Roya risquent la prison pour avoir aidé les migrants).

À Paris, où des milliers de migrants débarqués dans la capitale se retrouvent à la rue sans aucune prise en charge et harcelés par la police, la maire Anne Hidalgo a annoncé l’ouverture d’un premier centre d’accueil en mai. Le centre a ouvert six mois plus tard. Prévu pour 500 personnes, il est pourtant sous-dimensionné et saturé en permanence. Selon l’association France Terre d’asile, plus de 1000 personnes migrantes dormaient encore à la rue début juillet à proximité du centre d’accueil. L’association Gisti (Groupe d’information et de soutien aux immigrés) a aussi dénoncé les violences policières dont sont victimes les migrants dans les files d’attentes du centre. Malgré des initiatives bien réelles mais dispersées (lire ici notre article), « la France n’est pas dans une démarche d’accueil », regrette Filippo Furri. Les villes française prendront-elles le relais d’un État défaillant ?