
Près de 16 millions de personnes sont menacées d’insécurité alimentaire dans la région du Sahel, en Afrique centrale et de l’Ouest. Il est encore possible d’éviter que la situation ne dégénère en une grave crise alimentaire.
Pluviométrie et niveaux des ressources en eau faibles, mauvaises récoltes, manque de pâturages, prix alimentaires élevés, chute des rentrées d’argent en provenance des migrants, conflit dans le Nord du Mali… Tous les indicateurs sont au rouge, d’autant plus que beaucoup de familles ne se sont toujours pas remises des conséquences de la crise de 2010. Cela fait plusieurs mois qu’Oxfam tire la sonnette d’alarme car les systèmes d’alertes précoces ont permis de voir venir cette crise depuis la fin de l’année 2011. Si la communauté internationale et les gouvernements locaux (qui ont tous signé la Charte contre la faim) ont commencé à réagir, la situation reste critique et pourrait se transformer en urgence humanitaire. Mais il n’est pas trop tard pour éviter le pire. (...)
Dans toute la région, les prix des denrées alimentaires sont en moyenne de 30% à 60% plus élevés que la moyenne de ces cinq dernières années (+ 60% à 85% pour le maïs !), et la production agricole dans la région est de 25% inférieure à celle de 2010. La Mauritanie et le Tchad, pays les plus touchés, ont connu une baisse de leurs productions céréalières de respectivement 52% et 50%.
De plus, le conflit dans le nord du Mali a jeté 200 000 personnes sur les routes. Près de la moitié d’entre elles ont passé la frontière avec le Burkina Faso, le Niger ou la Mauritanie.
Au Tchad, Burkina Faso, Mali, Mauritanie, Niger et dans le nord du Sénégal les taux de malnutrition oscillent entre 10% et 15%, et dépassent même le seuil d’urgence de 15% dans certaines régions. Plus d’un million d’enfants font face à un risque de malnutrition sévère.
Dans certaines régions du Tchad, où 3,6 millions de personnes, soit plus de 30% de la population, sont confrontées à l’insécurité alimentaire, des villageois en sont réduits à détruire les fourmilières pour récupérer les céréales stockées par les fourmis. Au Sénégal, 850 000 personnes vivent dans des zones à risques.
Au Niger, ce sont plus de 5,4 millions de personnes qui seraient en situation d’insécurité alimentaire, plus du tiers de la population du pays. En Mauritanie, 700 000 personnes, près d’une famille sur quatre, arrivent difficilement à couvrir leurs besoins alimentaires quotidiens. Au Mali et au Burkina Faso, respectivement 3,6 millions et 2 millions de personnes risquent d’être affectées par cette crise. (...)
Oxfam, présent dans la région depuis plus de 45 ans, a déjà renforcé ses opérations afin de répondre dès à présent aux besoins des populations les plus vulnérables et atteindre un million de personnes dans six pays de la région. Dans plusieurs régions affectées, nous aidons les communautés à renforcer leurs capacités de résilience face à la crise qui s’annonce et nous avons commencé à fournir une aide d’urgence. (...)
Pour éviter que ces crises ne se répètent encore et encore, il faut absolument agir sur leurs causes profondes et structurelles et aider sur le long terme les populations les plus pauvres de cette région dans laquelle, chaque année "normale" (hors période de crise), plus de 200 000 enfants meurent de maladies liées à la malnutrition.
Depuis plus de 20 ans, ici, en France, nous défendons la mise en œuvre de politiques agricoles et alimentaires, commerciales et climatiques au Nord et au Sud qui soient cohérentes et permettent de répondre aux enjeux de la faim et de la pauvreté dans les pays du Sud.
Seule la mise en place d’actions de fond et à long terme permettra de rompre le cycle incessant des crises alimentaires. Pour aider la région du Sahel à sortir de l’extrême pauvreté, il est nécessaire de mettre en place une agriculture locale de meilleure qualité et plus résiliente. Pour cela, en France et dans la région sahélienne avec les organisations locales sur place, nous allons renforcer nos actions de plaidoyer pour demander un investissement plus fort dans l’agriculture familiale des pays du Sahel, un soutien des pays riches à l’agriculture vivrière des pays du Sud, une meilleure régulation des prix agricoles sur les marchés internationaux, des financements pour l’adaptation des pratiques agricoles aux conséquences du changement climatique.
