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Mediapart
Covid-19 : Agnès Buzyn mise en examen, une déflagration pour le gouvernement
Article mis en ligne le 12 septembre 2021
dernière modification le 11 septembre 2021

Visée par de nombreuses plaintes, l’ancienne ministre de la santé Agnès Buzyn a été mise en examen vendredi pour « mise en danger de la vie d’autrui » dans l’enquête de la Cour de justice de la République (CJR) sur la gestion de la crise sanitaire. Elle a été placée sous le statut de témoin assisté pour les soupçons d’« abstention de combattre un sinistre ».

À quelques mois de l’élection présidentielle, et alors que la crise sanitaire n’est pas terminée, c’est une déflagration pour le gouvernement et l’Élysée. Visée par de nombreuses plaintes dénonçant la gestion du début de la crise sanitaire liée au Covid-19, l’ex-ministre de la santé, Agnès Buzyn, a été mise en examen vendredi par la Cour de justice de la République (CJR) pour « mise en danger de la vie d’autrui », selon des informations de Mediapart.

Elle a été placée sous le statut intermédiaire de témoin assisté (entre témoin et mis en examen, qui peut évoluer au gré des investigations) en ce qui concerne les faits d’« abstention volontaire de combattre un sinistre ».

L’ancienne membre du gouvernement d’Édouard Philippe, qu’elle avait quitté mi-février 2020 en pleine explosion de la pandémie pour mener la liste LREM aux municipales à Paris, a répondu pendant près de dix heures aux questions des magistrats instructeurs de la CJR, seule juridiction habilitée à juger des actes commis par des ministres dans l’exercice de leurs fonctions.

« C’est une excellente opportunité pour moi de m’expliquer et de rétablir la vérité des faits. Je ne laisserai pas salir l’action du gouvernement ou mon action en tant que ministre », avait-elle déclaré à la presse, vendredi matin, juste avant d’entrer en audition.

Cette convocation, ordonnée dans le cadre d’une enquête ouverte en juillet 2020, fait suite à des perquisitions menées en octobre au ministère de la santé, occupé par Olivier Véran. Les bureaux d’Édouard Philippe et de Sibeth Ndiaye, ex-porte-parole du gouvernement, tous deux également ciblés par des plaintes, avaient eux aussi été perquisitionnés.

Seize plaintes au total ont été jugées recevables sur plus de 14 000 déposées. Simples citoyens, mais aussi associations et syndicats, les plaignants reprochent notamment aux membres du gouvernement de n’avoir pas pris de décisions à la mesure de la gravité de la crise, dont ils avaient pourtant connaissance, mais aussi d’avoir menti sur l’utilité des masques, dans le seul objectif d’en dissimuler la pénurie, comme l’avait révélé Mediapart en avril 2020. (...)

Le 22 janvier, l’Organisation mondiale de la santé (OMS), qui avait réuni son comité d’urgence, avait pourtant signalé que le virus, qui provoquait des formes « sévères » dans 25 % des cas observés, se diffusait déjà « aux États-Unis, en Thaïlande, au Japon et en République de Corée ».

L’ex-ministre de la santé est également mise en cause pour la gestion chaotique des stocks de masques. Dissimulant la pénurie, le gouvernement avait adapté ses consignes sanitaires sur le port du masque en fonction des stocks disponibles. (...)

En réalité, ce changement de discours ne visait qu’à cacher la pénurie de matériel de protection, conséquence d’années de restriction budgétaire mais aussi du défaut d’anticipation du gouvernement. (...)

Ce n’est que le 24 janvier 2020 que la Direction générale de la santé (DGS) est informée par l’agence Santé publique France (SPF), sous la tutelle du ministère, de l’inventaire du matériel médical disponible. Le 30 janvier, elle lui demande d’acquérir « dès que possible » 1,1 million de masques FFP2 seulement. Il faudra ensuite des mois aux autorités pour constituer des réserves permettant d’équiper les professionnels de santé (...)

Deux conseillères santé d’Emmanuel Macron ont été auditionnées. Elles ont refusé de répondre à certaines questions, invoquant l’immunité présidentielle. (...)

Cette position a fait l’objet d’une analyse juridique au sein de la présidence. En effet, dans une précédente affaire, celle des « sondages de l’Élysée », qui doit justement être jugée en octobre, la Cour de cassation avait estimé, en décembre 2012, que la justice pouvait enquêter sur un contrat conclu par l’ex-directrice de cabinet de Nicolas Sarkozy, Emmanuelle Mignon.

La plus haute juridiction de l’ordre judiciaire avait tranché en rappelant qu’« aucune disposition constitutionnelle, légale ou conventionnelle, ne prévoit l’immunité ou l’irresponsabilité pénale des membres du cabinet du président de la République » (...)

Dans leurs investigations, les enquêteurs se heurtent aussi à une autre difficulté : le choix d’Emmanuel Macron d’organiser la gestion de la crise autour d’un Conseil de défense, dont les décisions sont par essence classifiées, comme l’a indiqué Le Monde. Ce qui oblige, à chaque fois, à identifier les documents et à demander leur déclassification à la commission du secret de la défense nationale (qui peut s’y opposer).

En février 2021, à la demande de la commission d’instruction de la Cour de justice de la République, une note de la DGSI (Direction générale de la sécurité intérieure) du 17 avril 2020 et 31 notes émises par le directeur général de la santé à destination du Conseil de défense ont ainsi été déclassifiées pour pouvoir être exploitées en procédure. (...)

L’affaire du sang contaminé, au terme de laquelle l’ancien ministre de la santé Edmond Hervé avait été condamné (avec dispense de peine) et l’ancien premier ministre Laurent Fabius relaxé, est dans toutes les têtes