
En ville, la voiture préférée des Français, imposante, polluante, est devenue l’emblème du mal. Résultat, des petits groupes d’activistes dégonflent ses pneus la nuit ; des municipalités envisagent de renchérir son coût de stationnement.
Elle n’attire pas le regard, cette petite troupe joviale qui arpente, à la nuit glaciale tombée, les rues du 9e arrondissement parisien. On la dirait sortie d’un dîner de copines. Tout en sang-froid et en dextérité, les quatre jeunes femmes dégonflent pourtant, sur leur passage, les pneus des SUV stationnés. En deux heures, près d’une trentaine de gros véhicules « désarmés », selon la rhétorique de ces vingtenaires, qui opèrent dans la capitale au moins deux fois par semaine. (...)
Un prospectus est glissé sous les essuie-glaces, pour éviter l’accident. « Nous avons dégonflé un pneu de ce véhicule qui représente une atteinte à l’environnement. Nous regrettons de devoir en arriver à des actions touchant les particuliers. Mais pour tenter de protéger notre avenir et celui de nos enfants, nous n’avons plus d’autre choix que la résistance civile. » (...) Framboise, Mélisse, Malau, Léa – autant de pseudonymes –, qui partagent un haut niveau d’études (deux doctorantes en biologie, une agrégée de physique-chimie, une experte en finances) et une vaine pratique des pétitions, manifestations, actions associatives variées.
Sabotage temporaire
« Dix ans que je milite et c’est de pire en pire, pose Framboise, regard déterminé sous lunettes rectangulaires. Dans ma famille, tout le monde s’est mis aux SUV, par exemple, alors que, clairement, personne n’a besoin de ces tanks, même à la campagne. Il faut passer à la vitesse supérieure. En Suède, l’effet dissuasif des dégonflages sur les achats a été documenté. » (...)
Deux dégonfleurs parisiens, convoqués mi-février au commissariat de Sèvres (Hauts-de-Seine), se sont toutefois vus rappeler que l’amende maximale peut grimper à 30 000 euros. (...)