
Alors que le passe sanitaire doit entrer en vigueur le 9 août, sauf censure du Conseil constitutionnel, une troisième journée de mobilisation se tenait ce samedi. Reportage à Paris.
À la sortie du métro Villiers, le comité d’accueil est un cordon bleu, houspillé par un manifestant : « Gendaaarmes, rejoignez le peuple ! » La foule scande beaucoup « liberté » et un peu « révolution ». Elle porte des gilets jaunes, des pancartes faites maison ou des tee-shirts à message, comme « mieux vaut mourir libre que vivre confiné ». En ce début de rassemblement, l’ambiance est joviale. Les tensions sont venues plus tard. (...)
Pour la troisième semaine consécutive, des manifestations contre le passe sanitaire se tenaient dans toute la France ce samedi. Le ministère de l’intérieur a dénombré « 204 090 manifestants dont environ 14 250 à Paris », un bilan en augmentation. L’échéance se rapproche : le passe doit entrer en vigueur le 9 août, sauf si le Conseil constitutionnel s’y oppose. Le 24 juillet, les chiffres officiels s’élevaient à 161 000 manifestants, dont 11 000 à Paris. Ils étaient 96 000, dont 18 000 à Paris la semaine précédente, selon le même décompte. (...)
À Paris, quatre cortèges étaient prévus ce samedi. Celui qui partait du métro Villiers se veut une alternative à la manifestation « patriote » de Florian Philippot, pour ne pas laisser la main à l’extrême droite (et ne pas se mélanger avec elle). Il n’est pas exempt de confusionnisme pour autant : un homme arbore un écriteau « Pass partout » sur la poitrine - le « SS » en écriture gothique -, un autre crie dans son mégaphone que « les injections de thérapies géniques tuent ». (...)
C’est toute l’ambiguïté de ces rassemblements, qui réunissent des « anti-passe » farouches et des « antivax » convaincus, les participants n’étant pas toujours au clair avec eux-mêmes. Dans le doute, la plupart insistent sur leur refus de la « division » entre bons et mauvais citoyens et du « chantage » à la vaccination.
Anne*, 42 ans, est venue des Hauts-de-France. Elle est aide-soignante en Ehpad. Vaccinée depuis fin avril, elle confie avoir « hésité jusqu’au dernier moment » et « pas dormi de la nuit » la veille de l’injection. Si elle a personnellement sauté le pas, elle reste opposée au passe sanitaire, une manière « d’étiqueter les gens », et à l’obligation vaccinale pour les soignants.
« Il y a encore une semaine, je n’avais pas vraiment pris conscience du problème. Mais mes collègues vont perdre leur boulot. L’une d’entre elles a déjà demandé un départ à l’amiable, parce qu’elle ne veut pas du tout se faire vacciner. En 2020, on nous a applaudis, maintenant on menace de nous licencier. » (...)
En tant que professionnelle de santé, Marie dénonce le « chantage très dur » qui s’exerce sur ses collègues. « Ils ont la corde au cou en moins de quinze jours. » Elle s’inquiète aussi pour ses patients de cancérologie.
« Je me bats pour eux. On ne sait pas si nos patients seront considérés comme urgents, et auront donc accès aux soins sans présenter le passe sanitaire, ou pas. Ils reçoivent des traitements lourds, dont ils ont besoin. » (...)
« Je ne veux pas que mon fils grandisse dans un monde comme celui-là. Je ne suis pas contre le vaccin, mais je ne veux pas qu’il soit obligatoire. On n’a aucun recul, je n’en veux pas pour ma famille. Ça ne me dérange pas de me priver de resto. » (...)
Pendant ce temps, à Montparnasse, la manifestation organisée par Florian Philippot s’ébranle au son de France Gall ( « Résiste ! ») dans une débauche de drapeaux bleu-blanc-rouge, dont certains complétés par une croix de Lorraine. Un rassemblement aussi hétéroclite que le premier, un poil plus BCBG, où l’on invoque davantage « la patrie » que « la révolution ». « Macron démission », scande la foule. « Dieu va te détruire », ajoute une femme dans son mégaphone. Pas de doute, c’est un autre cortège.