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Continuité ou rupture pédagogique ? lettre aux personnels de l’université : Contre la rupture numérique, la taylorisation des enseignements et le confinement des esprits.
SNESUP-FSU, SNASUB-FSU, SNCS-FSU, CNT-STP67, SES-CGT, SNTRS-CGT, FO-ESR 67, Sud Education Alsace, Solidaires Etudiant-e-s Alsace
Article mis en ligne le 23 mars 2020

(...) Pour ce qui est des cours, je dirais ceci : chaque cours mis en ligne aujourd’hui c’est une fraction de poste qui sera perdue demain. C’est une main mise dans l’engrenage de la taylorisation de nos enseignements, après celui de la recherche. Mais il y a encore plus grave : c’est ouvrir la possibilité d’être dessaisis de ce qui fait le plus propre de notre subjectivité, de ce que nous inventons dans nos cours et nos recherches et qui se promène à tous les vents sous la forme d’un écrit privé de sa voix. Or il n’y a pas de cours sans des voix vivantes incarnées dans des corps, sans la présence d’un regard, sans l’expérience d’un langage qui invente l’inconnu grâce à l’écoute et la présence d’un autre. Un cours, c’est une incarnation. Ce n’est pas un écran. Ce n’est pas ce devant quoi je suis 18h par jour depuis que je ne fais plus cours.

Confidence d’un confiné : ne plus faire cours me manque. Ça, c’est une rupture, pas une continuité. (...)

Santé, sécurité et solidarité : nos priorités

Lettre ouverte de l’intersyndicale de l’Université de Strasbourg

L’épidémie du coronavirus prend des proportions dramatiques et met de nombreuses vies en danger. Nous devons affronter cette situation de crise sanitaire majeure avec efficacité et détermination, calme et solidarité, aussi bien dans notre université, nos organismes de recherche, que dans nos vies personnelles et au sein de la société.

Une décision de fermeture de notre établissement a été prise avant-hier après des tergiversations regrettables de la présidence la semaine dernière, laquelle s’est opposée à la demande unanime des membres du CHSCT de l’université (Comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail) de fermer immédiatement notre établissement. Nous n’en sommes plus là aujourd’hui et nous nous en félicitons, même si nous a été rapporté que lundi des personnels étaient parfois au travail dans des conditions non conformes aux règles de sécurité attendues, ce qui a pu les mettre en danger, et à travers eux mettre d’autres personnes en danger.

Ce faisant, nous estimons que les priorités de notre université dans les circonstances actuelles devraient être les suivantes :

En tout premier lieu et avant toute autre considération, garantir la santé et la sécurité de tous les étudiants et personnels, en particulier des plus précaires et des plus fragiles, ainsi que celle de leurs proches. Les prérogatives des organes de contrôle de la situation sanitaire doivent être respectées. Le CHSCT doit continuer à être “consulté sur la teneur de tous documents se rattachant à sa mission, et notamment des règlements et des consignes que l’administration envisage d’adopter en matière de santé et de sécurité”. Les personnels doivent être assurés que leur absence ne leur sera pas préjudiciable, sous quelque forme que ce soit, et que leur salaire sera bien mis en paiement, y compris celui des vacataires déjà précarisés et des contractuels dont les contrats devront parfois être prolongés .

En second lieu garantir la solidarité et la cohésion entre tous les membres de notre communauté, notamment par le traitement le plus bienveillant possible de toutes les difficultés individuelles générées par la crise. En aucun cas ces difficultés ne doivent être source d’un stress supplémentaire et ne doivent conduire les personnels à se mettre en danger. La cohésion des équipes et la bonne entente sont dans les présentes circonstances plus importantes que les objectifs fonctionnels à atteindre et la performance des individus. Les personnels qui ne peuvent télétravailler pour des raisons diverses (nature du travail, manque de formation ou déficit d’équipement) ne doivent pas se sentir mis au ban de notre communauté. Les frais générés par ce télétravail (notamment ceux de télécommunication) devront être pris en charge par l’université.

Enfin la continuité des activités scientifiques et pédagogiques est bien sûr essentielle, mais elle n’aura aucun sens si elle fait passer au second plan la santé, la sécurité, la solidarité et la réussite de nos étudiants. Un recensement des étudiants isolés devrait être fait, et un plan nourriture/logement devrait être élaboré en lien avec le CROUS et les représentants de la Région et de l’État. Il convient de veiller à ce que la fracture numérique ne porte pas préjudice aux étudiants les moins favorisés et il faut le plus rapidement possible anticiper le retour à la normale en intégrant que certains étudiants ont dû rentrer dans leurs familles loin de Strasbourg, en libérant leur logement, comme le CROUS les y a incités. Il est aussi important de penser aux étudiants réalisant une partie de leur formation à l’étranger en leur garantissant que la validation de leur parcours, ne souffrira pas des décisions prises ici comme là-bas.

Cette crise est l’occasion de revenir aux valeurs de solidarité et de fraternité, mais aussi de retrouver le temps de la réflexion et la distanciation nécessaire à l’activité de production et diffusion de la connaissance, loin des conséquences délétères du nouveau management public et des faux-semblants de la pseudo-excellence. Cette exigence s’impose à l’ensemble des personnels, à notre intersyndicale, comme à l’équipe présidentielle. Nous resterons à l’écoute de toutes et tous pour défendre ces valeurs et les intérêts des personnels qui pourraient être mis en difficulté dans cette période.