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Comment réduire les inégalités de salaires ?
#inegalites
Article mis en ligne le 21 janvier 2023
dernière modification le 20 janvier 2023

On peut comprimer les inégalités de salaires par les deux bouts. D’une part, augmenter le smic, ce qui revaloriserait de nombreux métiers indispensables et réduirait les écarts entre femmes et hommes. D’autre part, instituer un salaire maximum. Les propositions de l’économiste Rachel Silvera.

La moitié des salariées et des salariés du secteur privé perçoivent moins de 1 940 euros net par mois en équivalent temps plein, selon l’Insee (données 2019). 10 % gagnent moins de 1 319 euros, tandis que 10 % perçoivent plus de 3 844 euros. Le 1 % le mieux payé gagne plus de 9 103 euros net, soit environ 7,5 fois le smic. Mais on sait que même parmi ce 1 % se cachent de fortes disparités. Alors que le smic est simplement indexé sur l’inflation, que le salariat subit le choc de la crise sanitaire et de la hausse des prix, les revenus de patrons du CAC 40 ont progressé de 52 % en 2021 par rapport à 2019. Ces derniers ont touché en moyenne 7,9 millions d’euros [1], plus de cinq siècles de smic ! (...)

La crise liée à la Covid-19 a révélé à quel point le travail socialement utile est mal, peu rémunéré. Les métiers aujourd’hui essentiels et reconnus comme vitaux sont en grande majorité en bas de l’échelle des revenus ; ils sont dévalorisés socialement, symboliquement et financièrement. Il s’agit pour l’essentiel de métiers occupés par des femmes : infirmières, aides-soignantes, aides à domicile, mais aussi agents d’entretien ou hôtesses de caisse… (...)

La revalorisation de tous ces métiers est donc un point d’appui essentiel si l’on veut non seulement réduire les inégalités de salaires entre les femmes et les hommes, mais aussi que « les distinctions sociales soient fondées sur l’utilité commune », comme le veut notre Déclaration des droits de l’homme [3].

Salaire minimum décent

Outre la révision des conventions collectives et des référentiels de ces métiers dans la fonction publique, un levier d’action de l’État est de revaloriser le smic. On peut s’appuyer sur un « salaire minimum décent », fondé sur les budgets de référence de l’Observatoire national de la pauvreté et de l’exclusion sociale (Onpes). Ce minimum permet aux gens non seulement de se loger, se chauffer, se nourrir, avoir accès à la santé, mais aussi de participer à la vie sociale, culturelle et à une base acceptable de loisirs. C’est un socle minimal, établi en 2014 à 1 500 euros mensuels net pour une personne seule, ce qui représente une hausse du smic de 20 % à 30 %.

Rappelons qu’une telle revalorisation sera un moyen de réduire les inégalités salariales entre les femmes et les hommes, puisqu’en 2020, selon la Dares, 59,3 % des salariées et salariés concernés par une hausse du smic sont des femmes, alors qu’elles ne représentent que 44 % des salariés du secteur privé. 12,7 % des femmes sont rémunérées au smic, contre 5,5 % des hommes, alors qu’elles sont plus souvent diplômées, notamment les plus jeunes [4].

À cela s’ajoute le poids du temps partiel car 43 % des salarié·es rémunéré·es au smic horaire sont dans ce cas, alors que cette forme d’emploi concerne 17,5 % de l’ensemble des salariés mais 30 % des femmes salariées. Bon nombre des « premièr·es de corvée » exercent dans des secteurs où le temps partiel est la norme (notamment dans le commerce, l’aide à la personne et le nettoyage).

Une mesure encore plus ambitieuse serait d’introduire un salaire minimum mensuel (et pas seulement horaire) pour inciter les employeurs à offrir des heures de travail suffisantes pour vivre décemment de son travail. (...)

Plafonner

Régulièrement, la question de plafonner les plus hautes rémunérations se pose en France. L’une des promesses de François Hollande était d’imposer un écart de 1 à 20 aux dirigeants des entreprises publiques. En juillet 2012, le gouvernement socialiste a adopté un décret visant à plafonner les rémunérations des patrons d’entreprises publiques (ou majoritairement détenues par l’État) à 450 000 euros par an. Mais cette mesure correspond à une échelle de 1 à 25 et, qui plus est, dans la réalité, ce principe n’a pas été appliqué en totalité.

Récemment, la proposition de loi « pour une limite décente des écarts de revenus » [5] proposait d’introduire « le facteur 12 », c’est-à-dire un salaire maximal équivalent à 12 fois le smic : « au-delà d’un écart de 1 à 12, les rémunérations concernées et les cotisations qui y sont associées ne [seraient] plus déductibles du calcul de l’impôt sur les sociétés ». Ce salaire maximal pourrait atteindre cependant jusqu’à 20 fois le smic. Mais cette proposition de loi n’a pas été adoptée.

Un projet porté par la Fondation Copernic [6] est encore plus ambitieux et présente l’intérêt d’une méthode de calcul précise, puisque ce manifeste porte sur le moyen de financer le minimum décent fixé par l’Onpes (1 500 euros). Les auteurs définissent un « niveau maximum de ressources au-dessus duquel tout revenu supplémentaire distribué aux personnes les plus riches empêche, de fait, d’autres membres de la société de participer de manière minimale à la société ». Selon leurs calculs, pour assurer ce minimum décent, l’échelle maximale des niveaux de vie devrait être au maximum de 1 à 4, soit, pour une personne seule et après impôts directs, 1 500 euros comme minimum décent et 6 000 euros comme « niveau de vie maximum », ce dernier concernant moins de 2 % des salarié·es à temps complet. Au-delà de ce seuil, les revenus seraient taxés à 100 %. (...)

L’intérêt d’un salaire maximum serait surtout de frapper les esprits et de s’attaquer directement à ce qui rétribue (ou pas vraiment) le travail. Mais c’est avant tout une politique massive de revalorisation de toutes les professions les moins rémunérées et socialement les plus utiles qui permettra de remettre en cause en partie la hiérarchie sociale des professions. (...)