
Conséquences de la tarification à l’heure, du passage des subventions au mode dégressif/provisoire et de moult « réformes » visant à créer des places à la hâte et à tout prix, le nombre de fermetures de places de crèches est à la hausse. Relativement faibles jusqu’en 2008 (« entre 2 000 et 3 000 par an », selon la Cour des comptes (1), elles s’élèvent désormais au rythme annuel moyen de 4 235 selon le Haut Conseil de la famille pour un total de « 12 736 destructions de places » entre 2008 et 2011 (2). Ce gâchis a des conséquences multiples, à la fois sociales – familles désorientées, enfants déstabilisés, quartiers appauvris -, et financières : les communes doivent improviser des solutions substitutives et créer impérativement de nouvelles places dans le cadre des contrats enfance et jeunesse. Au-delà, les risques politiques sont évidents : à quelques mois des municipales, la société civile tolère de moins en moins les fermetures dans un contexte de pénurie de solutions de qualité. Qui est touché et pourquoi ? Comment prévenir ou limiter l’hécatombe ?
(...) « Cette idée de tarification à l’heure » (prestation de service unique, qui organise le paiement à l’heure dans les crèches) déplore Georges Federmann, président de La Trottinette à Strasbourg (67) « remet en cause l’importance de la dimension relationnelle et la recherche de sens qui nous est chère. Si les pouvoirs publics imposent le système de la pointeuse, c’est la fin des crèches parentales dans 4 ou 5 ans » (3). Mais les « parentales » ont cessé d’être le talon d’Achille : pénalisées par le modèle économique des « ventes de place », des crèches interentreprises jettent l’éponge (...)
Souvent incompris, les textes européens ont aussi servi à institutionnaliser la mise en concurrence, ce qui a déstabilisé les parcours associatifs. L’épée de Damoclès de l’appel d’offres a détruit les solidarités historiques et les liens établis entre les villes et les associations. (...)
Trop souvent dispersées et isolées, les petites crèches jouent les équilibristes, attendant, qui des soutiens impossibles, qui des ressources stables, qui la mise en liquidation pure et simple. (...)
Ficelée par les carcans régressifs imposés par l’État, la sphère territoriale peine à endiguer la marche funèbre. Agissant en ordre dispersé, elle pare au plus pressé, tente de sortir la lance à incendie ou commence à offrir des débuts de réponse. (...)
D’autres territoires ont compris que le rapprochement des partenaires séparés constituait le défi majeur des prochains mois. Dans l’Hérault, le département, la ville de Montpellier et la CAF se sont solidarisés pour permettre l’embauche d’une coordinatrice interassociative chargée de jouer un rôle préventif entre les institutions et les crèches. (...)
Rançon des politiques subies depuis 2003, la dérive actuelle souligne les plaies d’un système frappé – on l’espère provisoirement – par la suprématie de normes autres qu’éducatives et coopératives. Logique pénalisante de certains dispositifs d’aide, confusion liée à la superposition des systèmes juridiques, fragilité des relations transversales et sociales : nous sommes en train de vivre une cassure à la fois symbolique et fonctionnelle. (...)
Rapprocher et sécuriser les partenaires, planifier, coordonner et garantir les synergies : tels sont les bons réflexes, en sachant qu’il est prioritaire d’exclure les lieux d’accueil du champ de la concurrence. La balle est dans le camp des élus et il suffit d’une délibération !