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Non-Fiction
CINEMA – « Cas d’écoles ! » : At Berkeley (F. Wiseman) et La Cour de Babel (J. Bertuccelli)
Article mis en ligne le 5 avril 2014
dernière modification le 2 avril 2014

À l’heure des réformes de l’enseignement en France et à un mois d’intervalle, deux "films d’école" sortent sur nos écrans : At Berkeley du cinéaste documentaire américain, Frédéric Wiseman, et La Cour de Babel de la réalisatrice française, Julie Bertuccelli. En filmant, respectivement, la plus grande université publique du monde et la classe d’accueil d’un collège du 10e arrondissement de Paris, les deux cinéastes présentent un état du monde fulgurant et inquiétant, sous la forme de la fable et de l’épopée. Quelles tensions gouvernant aujourd’hui le monde transparaissent à travers ces deux essais cinématographiques ? Et quelle pourrait en être la "morale" sous-jacente ?

Une esthétique de la parole

En deux séquences, Wiseman expose d’emblée les grandes problématiques de son récit : la position financière et géopolitique de l’université (pendant une réunion administrative), et la reconfiguration des "classes" et de la démocratie américaines (pendant un cours de sciences politiques). De son côté, Julie Bertuccelli nous ouvre au monde des écoliers expatriés, où la parole de chacun et l’écriture de chaque langue tracent le dessin d’une diversité de personnes, d’histoires et de pensées.

Dans ces deux films, la parole se prononce aussi bien par plaisir que par souffrance. Elle se déplace des uns aux autres, par réaction et par réflexion, élaborant ainsi un espace nouveau, dont le spectateur devient lui-même le témoin et presque un participant. (...)


Une éthique du regard

En privilégiant la forme du plan-séquence, Wiseman présente une esthétique de la parole différente. D’un côté, le spectateur fait l’apprentissage de l’écoute et comprend progressivement le contexte, la forme et les enjeux du discours prononcé, dans l’épreuve de la durée des plans. De l’autre, la succession de ces discours figure, au fil du film, un "arbre de la connaissance", par la diversité des lieux et des domaines du savoir explorés : administration, sciences physiques, débats associatifs, laboratoires, littérature, événements sportifs … La dynamique du film s’organise ainsi autour de longs plans-séquences, entrecoupés de plans plus rapides en forme de contrechamps ou d’intermèdes purement visuels. Régulièrement, des scènes de travaux fonciers ponctuent le cours du film, métaphorisant ainsi la situation de l’Université sans cesse en restructuration, administrative et intellectuelle. On retrouve le principe de ces intermèdes dans La Cour de Babel, à travers les images d’un arbre dans la cour de « récré ». Tantôt, nous voyons ses fleurs et ses ramifications, tantôt, nous voyons son tronc encerclé d’une grille de fer, figurant respectivement le développement de l’enfant ou la condition restreinte de son « tronc », et, fantasmatiquement, la coupe de ses racines – son déracinement. (...)

La valeur du politique

Au regard de ces deux films, par leur forme et leurs enjeux, le spectateur est amené à reconsidérer la valeur du politique. (...)

La Cour de Babel montre une politique de la pédagogie, par la parole et le partage, et une pédagogie du politique, dont la classe figure le lieu exemplaire. Le motif de la classe apparaît, dans un premier temps, comme un prétexte, tellement sa structure autoritaire et la place de l’enseignante s’effacent devant la parole et le visage des enfants. (...)

En portant une attention particulière à la situation des enfants et à celles de l’institution universitaire, Julie Bertuccelli et Frédérick Wiseman proposent une réflexion neuve sur la valeur actuelle, économique et morale, de l’éducation, du politique et de l’humain.