Deux néerlandais, par le biais de différentes entreprises, possédaient dans de nombreux pays deux brevets sur toutes les farines de teff, une céréale éthiopienne. Ces brevets leur permettaient de commercialiser la farine de cette plante et ses produits en exclusivité : même l’Éthiopie ne pouvait plus commercialiser la farine de teff dans les pays où ces brevets étaient en vigueur. Mais ces brevets ont été attaqués de toutes parts. Et les derniers bastions viennent de tomber : en 2018 aux Pays-Bas, et en 2019, en Allemagne.
Des histoires comme celles-là, on les pense en général fausses tellement elles sont caricaturales. Oyez donc, braves gens, une nouvelle histoire de biopiraterie, où une entreprise néerlandaise s’est réellement appropriée, via des brevets, une culture traditionnelle éthiopienne à haute valeur nutritionnelle, mais qui a fini par abandonner ses revendications face à la résistance d’ONG et d’avocats... Disons-le d’emblée : on n’a pas réussi à savoir pourquoi Jans Roosjen, « inventeur » de ce brevet, a finalement abdiqué car, malgré nos relances, il ne nous a jamais répondu. (...)
Au départ, une louable intention… semblait-il
Tout avait pourtant bien commencé, comme le relate un article du journal Le Monde [1]. Dans les années 2000, deux entrepreneurs néerlandais à la tête de l’entreprise Health and performance food inte (HPFI) [2] souhaitent développer des produits à partir de farine de teff. Le teff ? Une céréale produite depuis des millénaires en Éthiopie, riche en minéraux et vitamine C, sans gluten, qui sert à fabriquer une galette, aliment de base dans ce pays : l’injera. Les entrepreneurs signent alors un accord de partenariat en avril 2005 avec deux entités éthiopiennes [3]. Ils s’engagent à leur reverser une partie des bénéfices obtenus (...)
Mais le 22 juillet 2003, l’entreprise avait demandé un brevet à la fois à l’Office européen des brevets (OEB) ainsi qu’aux États-Unis et au Japon. Ce brevet [7] a été accordé le 10 janvier 2007 dans l’Union européenne [8] pour l’entreprise HPFI B.V.. Un brevet surprenant puisqu’il concerne la confection d’une farine traditionnellement utilisée en Éthiopie, mais avec un procédé légèrement différent (...)
Cela signifie que le brevet délivré garantit un contrôle total de la production de teff pour les titulaires de brevets dans tous les pays couverts. (...)
Toujours d’après cet article du journal Le Monde, les anciens patrons d’HPFI ont monté de nouvelles entreprises de production et d’exportation de teff en parallèle à la faillite de leur première entreprise, et ont changé le nom du propriétaire du brevet [11]. À la tête de l’entreprise Prograin, ils ont alors exercé un quasi monopole sur la production et l’exportation de farine de teff. (...)
Mais l’aventure ne s’est pas déroulée comme prévu. En effet, le brevet [13] avait été abandonné aux États-Unis en octobre 2007 et refusé par le Japon en 2010 (...)
contacté par Inf’OGM, l’Office espagnol de brevets et marques (OEPM) nous informe que « ce brevet est caduque depuis le 21 août 2015 pour non paiement des redevances » [19]. Quant à Jans Roosjen, l’inventeur de ce brevet, il ne nous a pas répondu sur la situation actuelle de l’entreprise Prograin.
Selon certaines sources, un autre brevet détenu par les mêmes acteurs, toujours actif dans certains pays européens, aurait justifié que le gouvernement éthiopien lance finalement une action contre ce brevet en 2019 [20]. Il nous a cependant été impossible de vérifier cette affirmation…