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Mediapart
Bas salaires : les maroquinières de Louis Vuitton débrayent
Article mis en ligne le 13 février 2022

Annualisation des heures supplémentaires, pauses scindées et bas salaires : dans les ateliers Louis Vuitton, la réorganisation proposée par la direction ne passe pas. Jeudi, trois des dix-huit usines de la marque de luxe étaient perturbées par des grèves.

Cela n’était pas arrivé depuis cinq ans : ce jeudi 10 février, pendant une heure au moins, trois des dix-huit ateliers de la marque ont débrayé, à l’appel conjoint de la CFDT et de la CGT. Ces dernières dénoncent des salaires trop bas et la proposition, par la direction, d’un nouvel accord sur le temps de travail qui prévoit l’annualisation des heures supplémentaires.

« Sauf que, moi, ma nounou, je la paie tous les mois, pas tous les ans, dit Élodie, maroquinière. Je suis déjà mal payée, donc si on m’enlève la paye de mes heures supplémentaires à la fin de chaque mois, je ne sais pas comment je vais m’en sortir. » (...)

Comme nombre de ses collègues, elle s’est mise en grève de 12 h 47 à 13 h 47. « La bascule entre les deux équipes, du matin et de l’après-midi, se fait à 13 h 17. Du coup, on fait grève comme ça pour que les équipes du matin et de l’après-midi puissent faire leur heure de débrayage ensemble », explique le délégué central CGT, Denis Bertonnier. (...)

« 220 personnes ont participé au débrayage aujourd’hui tous sites confondus, ce qui représente environ 5 % de grévistes sur les 18 ateliers de maroquinerie Louis Vuitton en France », annonce de son côté la maison-mère du géant du luxe. Du côté des syndicats, on annonce plutôt 330 grévistes. « Mais avec la pression qu’ils ont mise sur les gens pour les dissuader de sortir, c’est très bien », souffle Denis Bretonnier.

Payée 1 300 euros net chaque mois, Élodie estime ne pas être décemment rémunérée et explique que « dans les ateliers, un salarié de Louis Vuitton fabrique la valeur de son salaire en une heure de son temps de travail. Le reste des 150 heures qu’on va faire dans le mois, c’est du bénéfice dans la poche de la maison ». Selon les syndicats, le taux horaire d’une salariée de Louis Vuitton, après 15 ans d’expérience, n’excède pas les 14 euros. Et Élodie de rire aux éclats quand on lui demande si elle possède un sac Louis Vuitton : « Je n’ai bien sûr pas les moyens d’acheter les sacs que je fabrique. »

Petits salaires et gros bénéfices (...)

et toutes racontent les cadences qui ne cessent d’augmenter, le corps, les poignets et le dos qui se fatiguent, mais surtout les tout petits salaires, que chacune met en comparaison avec les excellents chiffres de la maison Louis Vuitton et de LVMH : le groupe dirigé par Bernard Arnault affiche une santé financière insolente avec, en 2021, 64 milliards de chiffre d’affaires. Ce résultat annoncé il y a quelques jours a été l’un des déclencheurs de la mobilisation.

Dans un tract distribué par la section CGT de l’atelier de Sarras, l’inégalité de traitement entre les travailleuses et les actionnaires est chiffrée, en rouge et en gras (...)

Interrogé sur le salaire bas de ses salariées, Louis Vuitton reste vague et « rappelle que le bien-être et l’épanouissement de ses collaborateurs sont au cœur de sa politique sociale et [qu’il] mène une politique de rémunération avantageuse qui permet à ses salariés des ateliers d’être payés en moyenne 18 mois de salaire par an ». Et les salariées de s’agacer, expliquant que le groupe compte comme éléments de salaire la participation et les primes versées, qui ne sont pas du salaire, qui ne sont pas fixes et qui n’entrent pas en compte pour le calcul de la retraite. Louis Vuitton, interrogé sur le détail comptable, ne répond pas. (...)

Par ailleurs, le « projet Tetra » pourrait créer des tensions au sein même des ateliers. Selon plusieurs salariées interrogées et selon les documents de travail que nous avons pu consulter, la direction demande aux salariées du matin de scinder leurs pauses pour que leurs collègues de l’après-midi ne finissent pas trop tard, malgré la réorganisation. « On avait trente minutes de pause, on nous demande d’en sacrifier dix pour que nos collègues de l’après-midi puissent partir un peu plus tôt. Et si on refuse, ils nous font porter le chapeau », résume Abdelatif.

Pour l’instant, les négociations autour de cette réorganisation patinent et les délégués syndicaux s’insurgent contre la méthode utilisée par le groupe pour les faire signer. (...)

et toutes racontent les cadences qui ne cessent d’augmenter, le corps, les poignets et le dos qui se fatiguent, mais surtout les tout petits salaires, que chacune met en comparaison avec les excellents chiffres de la maison Louis Vuitton et de LVMH : le groupe dirigé par Bernard Arnault affiche une santé financière insolente avec, en 2021, 64 milliards de chiffre d’affaires. Ce résultat annoncé il y a quelques jours a été l’un des déclencheurs de la mobilisation.

Dans un tract distribué par la section CGT de l’atelier de Sarras, l’inégalité de traitement entre les travailleuses et les actionnaires est chiffrée, en rouge et en gras (...)

Interrogé sur le salaire bas de ses salariées, Louis Vuitton reste vague et « rappelle que le bien-être et l’épanouissement de ses collaborateurs sont au cœur de sa politique sociale et [qu’il] mène une politique de rémunération avantageuse qui permet à ses salariés des ateliers d’être payés en moyenne 18 mois de salaire par an ». Et les salariées de s’agacer, expliquant que le groupe compte comme éléments de salaire la participation et les primes versées, qui ne sont pas du salaire, qui ne sont pas fixes et qui n’entrent pas en compte pour le calcul de la retraite. Louis Vuitton, interrogé sur le détail comptable, ne répond pas. (...)

Par ailleurs, le « projet Tetra » pourrait créer des tensions au sein même des ateliers. Selon plusieurs salariées interrogées et selon les documents de travail que nous avons pu consulter, la direction demande aux salariées du matin de scinder leurs pauses pour que leurs collègues de l’après-midi ne finissent pas trop tard, malgré la réorganisation. « On avait trente minutes de pause, on nous demande d’en sacrifier dix pour que nos collègues de l’après-midi puissent partir un peu plus tôt. Et si on refuse, ils nous font porter le chapeau », résume Abdelatif.

Pour l’instant, les négociations autour de cette réorganisation patinent et les délégués syndicaux s’insurgent contre la méthode utilisée par le groupe pour les faire signer. (...)

Le PDG de Louis Vuitton, Michael Burke, devait inaugurer deux nouveaux ateliers dans le Loir-et-Cher, ce jeudi 10 février, en présence de Bernard Arnault et du ministre de l’économie et des finances, Bruno Le Maire. L’inauguration a finalement été repoussée. Le groupe affirme cependant que ce décalage n’est pas dû à la mobilisation mais à « un changement dans l’agenda ministériel ».