
Depuis plusieurs semaines, des mobilisations autour des bas salaires éclosent dans des entreprises et des secteurs peu habitués aux mouvements sociaux. Mais ces contestations, bien que dépassant les chapelles syndicales et les secteurs d’activité, restent calfeutrées dans les murs de l’entreprise.
Dans de nombreux secteurs d’activité, dans des entreprises, des magasins et des usines, la gronde autour des bas salaires se fait entendre.
Après des négociations salariales annuelles souvent décevantes, de nombreux salariés ont décidé de débrayer, souvent pour la première fois de leur vie, pour réclamer de meilleurs salaires mais aussi une répartition plus juste des richesses dans des entreprises où les bénéfices battent parfois des records.
« Les mobilisations qu’on vit actuellement sont assez inédites par leur ampleur et par le fait qu’elles aient lieu dans des entreprises qui se mobilisent peu » Sophie Béroud, politiste (...)
Les résultats obtenus grâce à ces mouvements sociaux sont variables. À Leroy Merlin, une grève inédite du côté des entrepôts et des magasins a fait plier le géant du bricolage à la fin du mois de novembre : les salariés ont obtenu une augmentation de salaire d’au minimum 65 euros par mois, quand la proposition première de la direction était sensiblement inférieure. Toujours dans le groupe Mulliez, les salariés d’Auchan et de Decathlon continuent de débrayer, malgré un taux bien faible de syndicalisation dans les magasins. Le mot d’ordre est le même : une revalorisation des bas salaires et une plus juste redistribution de la richesse dans ces entreprises qui enregistrent des bénéfices records.
Grèves partout, augmentations salariales significatives (presque) nulle part (...)
Aussi, pour la première fois, à la mi-novembre, les animateurs périscolaires se sont fédérés au niveau national et ont fait grève pour une meilleure reconnaissance de leur métier mais surtout pour la revalorisation de leurs salaires. Une journée de mobilisation dans le secteur de l’animation est aussi prévue les 14 et 15 décembre.
Et la liste des salariés en grève pour de meilleures rémunérations ne cesse de s’allonger (...)
Il en va de même du côté du secteur social, avec, il y a quelques jours, la mobilisation nationale des travailleurs sociaux, qui s’inquiètent de leurs bas salaires, de leurs mauvaises conditions de travail et d’avoir été les grands oubliés du Ségur de la santé.
Des syndicats dépassés ?
Et les syndicats sont loin de faire cavalier seul. Au contraire, dans plusieurs usines, à l’instar de Labeyrie, ce sont des salariés non syndiqués qui ont décidé de débrayer, et les syndicats ont suivi. (...)
Des rêves de grand soir et des manifestations modestes
Si les rêves de grand soir, de ronds-points à nouveau occupés, de mobilisations de masse dans les rues animent les piquets de grève sur lesquels Mediapart s’est rendu ces dernières semaines, les responsables syndicaux restent, eux, prudents. (...)
En effet, la manifestation du 5 octobre, pourtant prévue de longue date, avait réuni peu de monde (...)
Pour Sophie Beroud, si la contestation autour des bas salaires reste cantonnée aux entreprises, c’est aussi dû à la décentralisation de la négociation collective : « Aujourd’hui, beaucoup de choses se jouent au niveau des entreprises, et non plus des branches. C’est difficile de sortir du cadre de l’entreprise quand la lutte autour de l’augmentation des salaires se joue uniquement à ce niveau-là, ça enferme la contestation d’une certaine manière. »
Par ailleurs, la référence au mouvement des « gilets jaunes » met encore mal à l’aise nombre de responsables syndicaux, à commencer par la CFDT, premier syndicat dans le secteur privé. (...)
Pour Sophie Beroud, si la contestation autour des bas salaires reste cantonnée aux entreprises, c’est aussi dû à la décentralisation de la négociation collective : « Aujourd’hui, beaucoup de choses se jouent au niveau des entreprises, et non plus des branches. C’est difficile de sortir du cadre de l’entreprise quand la lutte autour de l’augmentation des salaires se joue uniquement à ce niveau-là, ça enferme la contestation d’une certaine manière. »
Par ailleurs, la référence au mouvement des « gilets jaunes » met encore mal à l’aise nombre de responsables syndicaux, à commencer par la CFDT, premier syndicat dans le secteur privé. (...)
De leur côté, les syndicats se mobilisent déjà pour une réelle augmentation du Smic, qui est à 1 258 euros net aujourd’hui. (...)
L’augmentation du Smic doit conduire à relever les minima de branches actuellement en dessous du salaire de base minimum. Dans le même temps, elle doit conduire à favoriser la négociation de l’augmentation de l’ensemble des grilles de salaires dans les conventions collectives. »
Par ailleurs, dans le secteur public, le gouvernement fait aussi montre de son manque de volonté. Dans un courrier adressé aux organisations syndicales, la ministre de la fonction publique, Amélie de Montchalin, a indiqué jeudi que les conditions n’étaient « pas réunies » pour revaloriser le point d’indice des fonctionnaires. La CGT, la FSU et Solidaires ont annoncé l’arrêt de leur participation au cycle de la conférence salariale. (...)
La seule mesure annoncée par la ministre aura été le relèvement du minimum de traitement pour qu’aucun agent ne soit embauché à un indice inférieur au Smic. Une annonce bien faible face à l’inflation des prix à la consommation (...)
Du côté de Solidaires, après le lancement d’une campagne « Urgence salaires », les syndicalistes réfléchissent à une nouvelle journée de mobilisation nationale autour des bas salaires.