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Banque mondiale, une zone de non-droit protégée par des juges
Article mis en ligne le 29 juillet 2016
dernière modification le 24 juillet 2016

Un tribunal de Washington a autorisé la Banque mondiale à ne pas répondre de ses actes devant la justice étasunienne |1|. Les plaignants indiens ont déjà fait appel de cette décision qui confère à la Banque mondiale une immunité qui la place de facto au dessus des lois.

Le litige oppose des pêcheurs et des paysans indiens à la Société financière internationale (SFI) - la branche de la Banque mondiale chargée de soutenir le secteur privé – qui a financé à hauteur de 450 millions de dollars la construction d’une centrale à charbon (dans l’État fédéré de Gujarat situé dans la partie ouest de l’Inde). Les plaignants demandent aux juges de Washington, où se trouve le siège de la Banque mondiale, de condamner la SFI (Banque mondiale) à réparer le préjudice social et environnemental causé par cette centrale de charbon construite près des terres où ils vivent et travaillent. Les conséquences néfastes sont multiples : dégradation de l’air et de l’écosystème marin, empoisonnement de l’eau, déplacement de populations, destruction du mode de vie des communautés locales.

Ce qui est reproché précisément à la Banque mondiale est « sa conduite irresponsable et négligente » à toutes les étapes du projet. La SFI a non seulement financé la centrale à charbon mais a également fourni des conseils et supervisé l’ensemble de sa construction. Pourtant, dès le début de ce projet, la SFI a elle-même reconnu qu’il comportait des risques importants et que ses impacts néfastes étaient potentiellement irréversibles sur les communautés locales et leur environnement. (...)

Constatant toutes ces violations, le Rapporteur spécial de l’ONU sur les droits de l’homme et l’extrême pauvreté Philip Alston a présenté devant l’Assemblée générale de l’ONU le 4 août 2015 un rapport cinglant consacré à la Banque mondiale, affirmant que « la Banque mondiale s’assied sur les droits humains, elles les considère davantage comme un maladie infectieuse que comme des valeurs et des obligations universelles |7| ».

Ce comportement de la banque est en total décalage avec ses obligations juridiques. En effet, la Banque mondiale a non seulement l’obligationde respecter ses règles internes (comme les procédures de sauvegarde environnementale et sociale) mais aussi toute règle pertinente du droit international général incluant les instruments de protection de droits humains (...)

La Banque mondiale agit donc dans l’illégalité lorsqu’elle finance des projets, tels que la centrale à charbon en Inde, qui ont des conséquences préjudiciable sur les droits humains et l’environnement mais aussi lorsqu’elle fixe avec le FMI des conditionnalités à leurs prêts, qui vont à l’encontre des droits humains. Le droit à l’eau est, par exemple, régulièrement violé par les privatisations imposées dans ce secteur tout comme le droit à la santé est bafoué par les réductions de dépenses publiques dans la santé. (...)

Alors que plusieurs rapports épinglent les multiples violations de droits humains par la Banque mondiale - ce qui devrait logiquement incité les tribunaux à (enfin) sanctionner ces violations - les juges étasuniens font l’inverse en renforçant la Banque mondiale comme « zone exempte de droits de l’homme » comme l’a qualifiée le Rapporteur spécial de l’ONU sur les droits de l’homme et l’extrême pauvreté |20|.

Face à ce jugement, les communautés indiennes affectées ne baissent pas les bras et ont déjà fait appel. Le CADTM les soutient pleinement dans leur lutte et appelle à multiplier les procès à chaque fois que cette banque cause des dommages à la population et l’environnement. L’impunité de la Banque mondiale n’a que trop duré.