
Aymane avait 15 ans. Il a été tué froidement, vendredi 26 février 2021, dans la maison de quartier Nelson Mandela qu’il avait l’habitude de fréquenter à Bondy. Au lendemain de sa mort, beaucoup ont souhaité se recueillir devant les grilles de la structure municipale. L’effroi mais aussi le souvenir d’un adolescent populaire et passionné de boxe restent dans toutes les têtes. Reportage.
Ce samedi après-midi, aux abords de l’espace Mandela, on compte autant de compliments dans les mots que de fleurs sur la grille du bâtiment, en mémoire du jeune athlète. La rue Louis-Auguste Blanqui, habituellement très bruyante, est calme. Pourtant il y a du monde. Les habitants de la ville s’arrêtent pour se recueillir, déposer des bouquets ou des affiches en hommage à Aymane, l’adolescent tué la veille dans cette maison de quartier.
Sanaa et Louisa ont 15 ans, elles se dirigent vers l’espace Mandela : « On se connaissait bien, on sortait souvent tous ensemble, il était tout le temps de bonne humeur, il aimait chanter, il était drôle. C’était vraiment quelqu’un de très très gentil, il était toujours là pour nous. On l’aimait beaucoup ».
Un jeune homme un peu timide mais très sociable et très touchant.
Aymane avait 15 ans. Il était élève en classe de 4e au collège Henri Sellier à Bondy. L’adolescent était passionné de boxe, et avait débuté un parcours prometteur au club ‘Chris Fight’ il y a trois ans. Christophe Hamza était son coach depuis ses premiers entraînements. « Il était passionné, il sortait avec le maillot du club même lorsqu’il n’y avait pas d’entraînement. C’était le premier arrivé, le dernier parti ». (...)
Une maman s’arrête, « vous parlez de ce qui s’est passé avec Aymane ? C’est mon voisin, il habite dans un pavillon pas loin de chez moi. Sa famille est adorable, bien réputée. Les parents avaient deux garçons : Aymane, l’aîné et Rayane, le cadet. On n’a rien à dire sur l’éducation de ces garçons ». (...)
« on n’a pas dormi cette nuit. C’est notre enfant à tous aujourd’hui Aymane, ça aurait pu être notre fils. Aujourd’hui c’est tout Bondy qui a mal. On est tous en deuil ».
Ce samedi 27 février, dans certains médias, Aymane était encore présenté comme « un jeune lié au trafic de stupéfiants, connu des services de polices locaux pour la fréquentation de points de deal ». Des propos unanimement contredits par toutes les personnes rencontrées ce samedi à Bondy. (...)
Comme beaucoup Khalil est amer sur le traitement médiatique du drame : « malheureusement on n’est même plus étonnés, c’est une tendance des médias mainstream et des grandes chaînes d’info. ‘Connu des services de polices’ ? Mais ça veut tout et rien dire. On est dans des quartiers où on est 20 fois plus contrôlés que les autres, alors oui bien sûr la police nous ‘connaît’. »
Quand il se passe quelque chose d’aussi terrible, c’est violent pour tout le monde.
Les violences sont beaucoup plus graves qu’il y a 15 ans.
Le coach rappelle que le jeune homme de 15 ans baignait dans un environnement familial « cadré et bienveillant ». Une situation confirmée par ses proches. Comme tous les adolescents de son âge, Aymane avait parfois des coups de mou à l’école et son père n’hésitait pas à appeler Christophe : « je lui envoyais des messages en lui disant de faire attention, que s’il ne travaillait pas bien à l’école, je ne l’inscrirai pas à la prochaine compétition », confie l’entraineur.
Christophe répète que tout ce qui s’est passé est complètement fou et surréaliste : « il y avait aussi de la violence quand j’avais 15 ou 20 ans, mais ça se réglait à mains nues, on n’ôtait pas la vie. Je ne dirais pas qu’il y a plus de violence qu’avant, par contre elle prend des proportions beaucoup plus grandes, les violences sont beaucoup plus graves », regrette le coach de 53 ans.
Alors que l’enquête a été confiée à la police judiciaire de Seine-Saint-Denis, deux frères, dont un âgé de 27 ans, se sont présentés au commissariat de Bobigny, le samedi 27 février, au lendemain du drame. Les deux ont été placés en garde à vue pour assassinat.
Plus tôt dans la semaine, deux adolescents mineurs ont eux aussi été tués dans leurs quartiers en Essonne à la suite de violences entre jeunes. Aymane, dans sa maison de quartier n’a pu être protégé. Trois drames en moins d’une semaine, qui interrogent la responsabilité collective, sur une violence banalisée qui ne cesse d’emporter des enfants des quartiers populaires, dans l’indifférence politique.