Meurtrière impitoyable pendant des siècles, la variole ne faisait aucune distinction et infligeait les mêmes sévices aux rois et aux roturiers avant qu’un médecin anglais ne fasse une prodigieuse découverte : celle de la vaccination.
Depuis des millénaires, l’humanité craint la variole, l’une des maladies les plus dangereuses au monde avec un taux de mortalité supérieur à 30 %. L’un des premiers cas documentés de variole était celui d’une momie égyptienne du 3e siècle avant notre ère. Les civilisations asiatiques, africaines et européennes regorgent toutes de témoignages historiques vieux de plusieurs siècles au sujet des malades de la variole. Les descriptions de forte fièvre, de douleurs et des pustules recouvrant l’ensemble du corps foisonnent dans la littérature médicale. Les survivants étaient bien souvent défigurés par la cicatrisation des pustules et lorsque ces derniers se formaient à proximité des yeux, ils entraînaient parfois une cécité. (...)
la véritable révolution médicale arriva à la fin du 18e siècle, lorsqu’un médecin de campagne anglais, Edward Jenner, créa le vaccin contre la variole grâce à ses observations scientifiques et un remède arrivé en Angleterre depuis la Turquie. (...)
Jenner consacra son temps à la recherche d’un traitement pour protéger l’humanité de la maladie qui tue près de 80 000 Britanniques par an. Il était convaincu de la nécessité d’une méthode plus efficace que la variolisation et moins risquée pour les patients. Des scientifiques avaient déjà suggéré que la vaccine, une forme modérée de la variole qui affecte le bétail, pourrait offrir une solution. Médecin en zone rurale, Jenner se trouvait dans une position idéale pour mener des recherches sur cette maladie et ses effets sur les ouvriers agricoles. Il remarqua alors que les laitières avaient tendance à contracter la variole de la vache après être entrées en contact avec les pustules qui recouvraient les pis de l’animal. Durant les épidémies de variole humaine, il arrivait que les familles des laitières tombent malades, mais les laitières qui avaient elles-mêmes déjà contracté la variole de la vache étaient épargnées.
Le 14 mai 1796, Jenner franchit le pas qui changera à jamais la science médicale. Il décida d’extraire du pus de l’une des plaies d’une femme infectée par la vaccine et l’utilise pour inoculer un jeune garçon, le fils de son jardinier. Une semaine plus tard, l’enfant tomba malade. Pendant quelques jours, la tension fut immense et Jenner suivit l’évolution de son jeune patient, jusqu’à sa guérison. Six semaines plus tard, il l’exposa au virus de la variole mais l’enfant ne montra aucun symptôme de la redoutable maladie. Par la suite, Jenner réitéra son expérience sur 22 patients. Là encore, aucun des sujets inoculés à la vaccine ne montra les signes d’une forme sévère de la maladie. C’était la preuve que Jenner attendait pour confirmer l’efficacité de sa méthode, déjà baptisée vaccination. (...)
CONTROVERSES
Bien que le succès de Jenner ait reçu un accueil globalement chaleureux, il s’est tout de même attiré de vives critiques sur les plans scientifiques et idéologiques. L’opposition est notamment venue d’une alliance entre le clergé et certains philosophes parmi lesquels Emmanuel Kant.
Pour ne rien arranger à la situation, il arrivait que des praticiens peu expérimentés reproduisent la procédure de Jenner sans réellement la comprendre, ce qui contribua à propager la maladie au lieu de la contenir. (...)
Correctement appliquées, les méthodes de Jenner furent couronnées de succès et s’établirent progressivement à travers toute l’Europe. (...)
Le combat contre la variole s’est poursuivi durant le siècle suivant et le vaccin mis au point par Edward Jenner a contribué à éradiquer la maladie, dont le dernier cas connu remonte à 1978. (...)
Les recherches de Jenner lui ont survécu dans les travaux de scientifiques comme Louis Pasteur et Robert Koch, qui se sont intéressés aux modes de transmission des maladies entre individus. Leurs découvertes ont ouvert la voie à la « théorie microbienne », qui attribue la cause des maladies aux micro-organismes. En s’appuyant sur ces fondations, d’autres vaccins ont pu être développés au fil des décennies pour mettre un terme au fléau de maladies contagieuses qui ont tourmenté l’humanité comme la rage, la poliomyélite ou la rougeole.