
Les techniques funéraires classiques (inhumations et crémations) pèsent sur l’environnement. Pourtant, de l’urne biodégradable à l’« humusation » en passant par le cercueil en carton ou la résomation, des solutions écologiques existent. Pour que le corps devienne un aliment de la vie.
« C’est à la sueur de ton visage que tu mangeras du pain, jusqu’à ce que tu retournes dans la terre, d’où tu as été pris ; car tu es né poussière, et tu retourneras dans la poussière. » Voici ce qu’on lit dans la Genèse, le premier livre de la Bible. L’image a été souvent reprise pour illustrer le cycle de la vie et de la mort. Mais tout n’est pas si simple. D’un milliard d’habitants au début du XIXe siècle, la population mondiale devrait avoisiner les 10 milliards d’ici à 2050, selon les perspectives de l’ONU. Si les questions de place, d’accès aux ressources et d’impact sur l’environnement se posent face à cette évolution exponentielle dans un contexte de réchauffement climatique, ce nombre d’êtres humains interroge jusque dans la mort. (...)
Si l’inhumation et la crémation sont aujourd’hui les deux seuls rites permis par la législation française, d’autres solutions commencent à faire parler d’elles, en proposant une réappropriation de l’espace des cimetières et une nouvelle vision de la mort, plus proche de la nature.
Contrebalancer l’empreinte carbone laissée par la vie (...)
C’est dans cet esprit que s’est développé le concept d’urne « biodégradable ». S’il date de la fin des années 1990, le concept se diffuse dans les pays anglo-saxons, essentiellement via internet. En France, on en parle grâce à la Bios urne. Lancé l’année dernière sur la plateforme de financement participatif Kickstarter, ce projet propose aux défunts de devenir un arbre après leur mort. Le principe : placer les cendres du défunt avec la graine d’un arbre dans l’urne funéraire biodégradable, qui peut ensuite être enterrée — après accord de la mairie de la commune de naissance du défunt — ou placée dans un incubateur, permettant aux proches de garder le futur arbre chez eux. Quant à un enterrement dans un espace privé, tel qu’un jardin, une autorisation devra également être demandée, la loi relative aux cendres funéraires l’interdisant normalement. (...)
« Le but de cette urne est d’offrir une alternative durable pour se souvenir des personnes disparues, d’une manière naturelle et contemporaine », explique l’entreprise sur son site. Elle veut promouvoir une nouvelle manière de voir la mort, où la fin de vie est « une transformation et un retour à la vie à travers la nature ». Bios urne fait également valoir le faible coût de son produit — 145 $ (soit un peu plus de 120 €) — face aux milliers d’euros à dépenser en moyenne pour des obsèques classiques.
C’est une façon poétique de retourner à la terre pour le défunt, et de voir l’être disparu commencer une nouvelle vie sous une nouvelle forme, pour les proches. Une manière également de mettre en place une « compensation écologique », afin de contrebalancer l’empreinte carbone laissée par la vie, grâce à son « action » dans la mort. (...)
Des alternatives plus traditionnelles existent également, déjà autorisées par la loi. C’est le cas des cercueils en carton, très utilisés dans le Nord de l’Europe depuis une trentaine d’années, mais dont le développement demeure timide en France, malgré des avantages écologiques indéniables. En cause : la mauvaise image que se font les familles d’un matériau jugé grossier, peu solide et dévalorisant — renforcée par le manque de communication des pompes funèbres sur le sujet. (...)
Une enquête a d’ailleurs été ouverte par le service des fraudes à l’encontre de plusieurs crématoriums, dont celui du Père-Lachaise ou celui de Montpellier, pour la mise en place de pratiques cherchant à décourager le choix de cercueils en cartons (crémations prévues très tôt, prix plus élevés, etc). Le ministère de l’Économie met en garde contre ce type de refus et invite les familles à porter plainte auprès des directions départementales de la protection de la population (DDPP), en vertu de l’article 433-21-1 du code pénal, qui stipule le respect des dernières volontés du défunt en matière d’inhumation. (...)
Les bénéfices du carton sont en effet indéniables. Selon les chiffres fournis par Eco-Cerc sur son site, la production mondiale journalière de cercueils s’élève à 320.000 pièces. La banalisation des cercueils en complexe de cellulose permettrait l’économie de plus de 6,6 millions de m3 d’eau, 315 millions litres de fuel, près de 12 millions d’arbres sains et 31.500 km² de forêt chaque année.
À noter cependant que, selon l’étude des Services funéraires de la ville de Paris du 12 octobre 2017 concernant l’empreinte environnementale des rites funéraires, en matière d’effet de serre, une crémation dans un cercueil en carton apporte une émission supplémentaire de 14 kg de CO2 — pour le cas d’un cercueil en carton fabriqué en France. En cause : l’apport calorifique d’un cercueil en bois est très significatif et permet de limiter la consommation de gaz. Une donnée à mettre en regard avec le moindre temps qu’il faut en cercueil en carton pour brûler, et des rejets atmosphériques moins importants. (...)