Nous sommes bien loin d’avoir traité de l’intégralité des enjeux sociaux et environnementaux à prendre en compte pour comprendre l’émergence de maladies comme Ebola, le VIH ou bien le covid-19. Le couvre-feu auquel les grandes métropoles françaises se préparent, signe de la volonté de l’État français de maintenir les prolétaires au travail et leurs enfants à l’école, montre en outre que s’il faut sacrifier une sphère de l’existence, c’est celle des loisirs qui constitue le candidat privilégier. Cette décision est une énième manifestation du mépris des pouvoirs public pour la recherche scientifique, celle-ci n’ayant de cesse de rappeler que c’est principalement sur le lieu de travail et à l’école que le virus circule.
Pour l’État et le capital, l’économie doit primer. C’est également le constat établit par Rob Wallace, Alex Liebman et Ivette Perfecto dans l’article dont nous proposons à nos lecteurs une traduction.
Dans cet article publié initialement dans Arerc, nos auteurs reviennent sur l’orientation de la recherche scientifique concernant l’origine des maladies dites « zoonotiques », c’est-à-dire des maladies dont l’origine est un micro-organisme qui peut se transmettre de l’animal à l’humain.
Ici ce n’est pas des métropoles françaises dont il est question mais des territoires où un contact initial entre un animal contaminé et un être humain peut s’établir. A mesure que progresse la déforestation, le risque de libérer de nouvelles souches pathogènes augmente. L’extension des zones agricoles augmente le risque d’émergence de nouvelles maladies. C’est le constat que partage nos auteurs avec les chercheurs du programme PREDICTS, mais l’accord s’arrête ici.
Le programme PREDICTS, en produisant une gigantesque base de données sur l’utilisation des sols et la biodiversité partout dans le monde, propose un outil permettant de réfléchir à un usage plus raisonné de la terre et à une maîtrise de l’extension de l’agriculture. Seulement, cet outil présente de nombreux défauts. Comme le montrent Wallace, Liebman et Perfecto, aucune distinction n’est faite entre les modèles agricoles existant. La petite production vivrière d’une famille de paysans du Sierra Léone est ainsi considérée de la même manière que les gigantesques champs d’huile de palme d’Indonésie, ces deux installations agricoles représenteraient donc un danger similaire pour l’émergence de nouvelles maladies. La non prise en compte de l’économie politique et de la distinction entre différents modes de production a alors pour conséquence de reconduire le biais néocolonial suivant lequel ce sont les pays du Nord et leur armada de scientifiques au service des industriels qui devraient diriger la production agricole des pays du Sud
. Les paysans pratiquant l’agriculture sur abatis-brûlis seraient autant coupable, voire plus, que les entrepreneurs de l’agrobusiness, et ce, parce qu’ils grignoteraient la forêt primaire de façon inconsciente. Or dire cela c’est occulter volontairement le fait que ce qui contraint ces paysans à avancer dans la forêt, c’est cette succession d’expropriations et de déplacement de villages occasionnés par l’accaparement de terres agricoles par des investisseurs étrangers pour installer de vaste champ de culture destinées à l’exportation. Encore une fois, l’économie doit primer. Tous ces éléments, et bien d’autres, sont mis en avant dans ce texte. (...)