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"Ils nous ont dit de traverser la frontière, sinon ils nous tireraient dessus" : en Tunisie, une nouvelle vague d’expulsions de migrants vers l’Algérie
#migrants #Tunisie #expulsions
Article mis en ligne le 8 octobre 2023
dernière modification le 6 octobre 2023

InfoMigrants a recueilli les témoignages de plusieurs exilés subsahariens qui racontent avoir été interceptés en mer au large de Sfax puis expulsés vers la frontière algérienne par les autorités tunisiennes en septembre. Durant l’été, des centaines de personnes avaient subi ce type d’expulsions en direction de l’Algérie et de la Libye. Au moins 27 migrants sont morts après avoir été abandonnés dans le désert..

Les témoignages décrivent exactement le même enchaînement de faits. Pourtant, Jordan, Dakité et François* ne les ont pas vécus au même moment. Ces trois exilés, originaires du Cameroun pour Jordan et François et de Guinée pour Dakité, ont décrit à InfoMigrants leurs expulsions de Tunisie vers l’Algérie, survenues à la mi-septembre.

Leurs récits débutent à Sfax, sur la côte tunisienne. Les trois hommes racontent tous avoir pris place sur un bateau en métal avec une quarantaine d’autres migrants dans le but de rejoindre l’île italienne de Lampedusa.

"La marine tunisienne nous a arrêtés sur l’eau le lundi 18 septembre, vers 23h, et ils ont frappé la plupart des gens", se souvient Jordan, 16 ans, qui avait mis dans la traversée toutes ses économies accumulées pendant des mois de travail en Tunisie.

Dakité raconte avoir vécu la même expérience la veille (...)

"Les garde-côtes ont essayé de nous noyer. Le pilote a accéléré son moteur et il tournait autour de nous en faisant de grandes vagues. De l’eau rentrait dans notre bateau", assure ce Camerounais de 38 ans.

"Ensuite, ils nous ont emmenés à la base portuaire de la garde nationale de Sfax où nous avons subi une bastonnade pendant presque une heure. On nous a volé nos téléphones, de l’argent, nos passeports, nos permis…"

"On nous a juste dit qu’on était à la frontière"

Les trois hommes racontent être ensuite montés dans des bus sans recevoir aucune explication sur leur destination. (...)

"Au début, on s’est dit que les Tunisiens allaient nous remettre aux autorités algériennes, mais on est passés par des chemins non-officiels, comme s’ils ne voulaient pas qu’on les remarque", affirme François.

Le Camerounais assure avoir été déposé en pleine nuit au niveau du poste-frontière de Saqiyat. "[Les Tunisiens] nous ont déchargés [du pick-up]. Ils ont dit de traverser et que sinon, ils nous tireraient dessus et dans la tête", se souvient-il. (...)

Le groupe a alors fait une courte intrusion en Algérie puis a rebroussé chemin après avoir été menacé par des garde-frontières algériens, rapporte François. Le Camerounais dit s’être alors mis en route à pieds avec les autres exilés qui l’accompagnaient. (...)

. Au moment d’échanger avec InfoMigrants, le groupe cherchait à atteindre la ville de Tajerouine pour ensuite se diriger vers Tunis en train. "On n’a plus d’argent, on a rien. Pour manger, on fait la manche, on demande si on peut avoir un peu de nourriture quand on traverse des villages", assure François au téléphone. (...)

De telles expulsions ne sont pas des cas isolés (...) Une sorte de protocole a été mis en place : une escorte suit à chaque fois les bus et des membres des forces de sécurité attendent les exilés pour les répartir dans les pick-ups", détaille la responsable.

Avec cette nouvelle façon de faire, les autorités tunisiennes tentent "de passer [ces expulsions] sous silence dans la mesure du possible", s’inquiète Salsabil Chellali. "Jusqu’à maintenant, les personnes [interceptées en mer] étaient gardées quelques heures puis relâchées", ajoute-t-elle.
Envoyer les exilés le plus loin possible (...)