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20 ans après le meurtre de deux fonctionnaires, l’Inspection du travail craint de nouvelles violences
#inspectiondutravail #agriculture
Article mis en ligne le 3 septembre 2024
dernière modification le 2 septembre 2024

Le 2 septembre 2004, deux agents de contrôle sont assassinés par un exploitant agricole à Saussignac, en Dordogne. Alors que la crise agricole de cette année fait craindre de nouvelles agressions, les syndicats dénoncent le silence des autorités.

« On ne pensait pas que ça pouvait arriver. Il y avait des agressions verbales voire physiques. Mais qu’un employeur prenne un fusil et tire dans le dos de deux de nos collègues, c’était inconcevable. » Cécile Clamme, aujourd’hui responsable syndicale à la CGT du ministère du Travail, demeure très marquée par le double assassinat de Saussignac, en Dordogne, il y a vingt ans. (...)

« Ça a été un traumatisme collectif de la profession », témoigne Cécile Clamme. C’était la première fois depuis la création de l’inspection du travail en 1892 que des agents de cette administration chargés de faire respecter le droit du travail étaient tués en mission. Pourtant, l’affaire est alors plutôt traitée comme un simple fait divers, rappelle un article du site de critique des médias Acrimed. (...)

Au moment du double meurtre, les fonctionnaires de l’inspection du travail reprochent le manque de réaction officielle, rapide et forte des ministères du Travail et de l’Agriculture. Les déclarations des ministres évitent les mots « crime » ou « assassinat », privilégiant les notions de « circonstances tragiques » et d’« acte obscur ».

Le 5 mars 2007, le procès d’assises s’ouvre à Périgueux.« L’affaire de Saussignac n’est ni un fait divers banal ni le résultat d’un coup de folie. C’est bien parce qu’ils étaient contrôleurs du travail que Sylvie Trémouille et Danièle Buffière ont été tués », met alors en avant le procureur dans son réquisitoire. L’auteur des coups de feu est condamné le 9 mars 2007 à 30 ans de réclusion pour meurtre. Il décède en prison en 2016. (...)

Les organismes de contrôle attaqués

« La crise agricole de janvier 2024 a montré que les conditions pour que de nouvelles agressions surviennent sont largement réunies », alerte aujourd’hui un communiqué intersyndical. Le 19 janvier 2024, un bâtiment de la direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement (Dreal) de l’Aude est soufflé par une explosion à Carcassonne. Des tags du « Comité d’action viticole » sont découverts sur les lieux. Six jours plus tard, un sanglier est pendu et éventré par la Coordination rurale du Lot-et-Garonne devant les locaux des services de l’inspection du travail à Agen, sans que cela ne conduise à aucune poursuite.

Le lendemain, à Narbonne, ce sont les locaux de la MSA qui ont été incendiés - les investigations se poursuivent à l’heure où nous écrivons ces lignes. Le 31 janvier, les agents de Dijon de l’Office français de la biodiversité (OFB), aussi appelé « police de l’environnement » trouvent devant leur lieu de travail des masses de fumier déposé par des agriculteurs. (...)

« On retrouve les mêmes organisations patronales visant les organismes de contrôle présentés comme des formes de nuisance ou des tracasseries administratives inutiles. En face, les autorités politiques martèlent : ’’on vous comprend’’. Il n’y a eu aucune réaction politique quand un sanglier a été pendu devant les locaux de service début 2024. Le gouvernement est dans la pure démagogie », accuse la syndicaliste. (...)

Il n’y a eu aucune déclaration qui réaffirme nos missions publiques afin de nous donner la légitimité à intervenir. On sait qu’en agriculture, c’est plus tendu qu’en régime général. Dans les petites exploitations, le patron fait des heures de dingues. Quand on vient contrôler, on arrive toujours mal. Et même quand on prévient c’est toujours compliqué de trouver un rendez-vous.

(...)

Risques importants d’accidents du travail

Suite à la crise agricole de l’hiver 2024, la consigne des autorités, non formalisée, a été de remettre à plus tard tous les contrôles qui pouvaient l’être. « Dans les services, on conseillait de reporter, confirme Cécile Clamme. Le risque de violences a été identifié par nos hiérarchies. L’effet miroir avec Saussignac est évident. »

Une situation effarante pour Marie-Pierre Maupoint : « Il y a pourtant des salariés qui travaillent chez les exploitants. Les premières victimes ce sont les salariés agricoles et on n’en parle jamais. » L’agriculture est en effet l’un des secteurs qui comptabilise le plus de morts au travail. « Ce n’est pas parce que les exploitants connaissent des difficultés qu’ils ne peuvent plus être soumis à des contrôles », défend l’inspectrice du travail. (...)

Un agent de contrôle pour 10 000 salariés (...)

Sur le terrain, chaque inspectrice et inspecteur du travail couvre désormais un secteur de 10 000 à 13 000 salariés. Actuellement, 400 postes sont sans titulaire, en raison notamment d’un nombre important de départs en retraite non compensé par les recrutements au concours. Pour ces cas là, l’intérim est assurée par un agent qui est déjà sur un autre secteur de contrôle. Aucun remplacement n’est par ailleurs assuré en cas d’arrêt maladie ou congé maternité. « De fait, quand un poste est vacant, on assure le strict minimum, regrette Cécile Clamme. On ne s’occupe que des accidents de travail les plus graves », qui vont jusqu’aux amputations et blessures mortelles. (...)

« L’ambition, c’est un agent pour 5000 salariés. C’est un nombre qui permettrait de travailler normalement, estime Cécile Clamme. Les économies associées sont énormes. Il s’agit d’éviter les milliers d’accidents du travail et de blessés inaptes, avec des séquelles psychiques et morales. L’accident du travail est un fléau social qui doit être combattu. » (...)

« Nous n’avons aucune réponse du cabinet de la ministre à nos questions à ce sujet. On ne sait même pas si la ministre prend encore des décisions, explique Cécile Clamme. Alors que nous avons été violemment attaqués début 2024, nous allons aussi rappeler la légitimité de la profession et notre utilité sociale pour éviter les accidents du travail et améliorer les conditions. Personne ne devrait perdre sa vie en cherchant à la gagner. »