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ATTAC 33
2,99 € le kilo !
Le Ptitgrain n°295/Jean-Luc Gasnier
Article mis en ligne le 10 septembre 2014

Selon notre ministre de l’Ecologie, Ségolène Royal, « la France s’est engagée dans la voie de la transition écologique et énergétique ». Cette voie devrait nous permettre de diviser par 4 – c’est le fameux facteur 4 - nos émissions de gaz à effet de serre (au niveau national) d’ici 2050. L’ADEME, l’Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Energie, a élaboré un scénario de transition énergétique qui embrasse tous les secteurs d’activité et notamment l’agriculture où « le développement de pratiques agricoles plus durables (réduction des consommations de produits azotés, élevage extensif favorisant le maintien des prairies permanentes, essor de l’agriculture biologique et de l’agroforesterie, économies de chauffage, développement de la méthanisation, évolution des régimes alimentaires –recommandations FAO ‐ en 2050) permettrait de diviser par deux ses émissions de gaz à effet de serre et de réduire d’un quart ses besoins énergétiques. »

Mais ce chemin semble semé d’embûches. . .

Une grande ville, un grand boulevard, une grande affiche pour une grande marque de distribution, des chiffres en caractères géants, une publicité pour un produit d’appel : 2,99€ le kilo de porc. Evidemment, à ce prix là, (c’est moins cher que certaines croquettes destinées à nos animaux de compagnie), ce n’est pas du bio, ce n’est pas du Cul noir du Périgord ni du « Bellota » (jambon espagnol issu de cochons élevés aux glands dans les montagnes ibériques), mais c’est du porc tout de même !

2,99 € le kilo, en voilà une viande compétitive pour une consommation de masse, dans le cadre d’une distribution performante qui réussit à imposer ses méthodes et ses exigences à ses fournisseurs afin de redonner du pouvoir d’achat aux consommateurs !

On imagine sans peine les formidables performances de la filière porcine pour permettre à tous les travailleurs sous-payés, à tous les chômeurs et précaires, l’accès à une alimentation carnée : de l’élevage jusqu’à l’abattage, tous les coûts doivent être « optimisés », comprimés.

Il faut évidemment faire des économies d’échelle : plus de bêtes dans les usines, plus de carcasses dans les abattoirs et moins de main d’œuvre, avec souvent des ouvriers « détachés » en provenance des pays de l’Est. Mais, dans cette compétition, l’Allemagne se révèle mieux armée et notre filière connaît de grandes difficultés, comme en témoigne la mise en liquidation judiciaire de l’abattoir GAD de Josselin. Et la boucle est bouclée, avec un beau mécanisme de rétroaction positif pour les grandes enseignes de la distribution : les chômeurs produits par notre agriculture industrielle, fragilisés financièrement, sont prêts à tomber encore plus facilement dans les pièges du Hard-Discount.

En économie libérale, et dans un contexte d’érosion du pouvoir d’achat, le prix est un incitateur de consommation puissant, souvent décisif. Les grandes surfaces le savent et multiplient les produits d’appel. Dans le même temps le gouvernement allège les contraintes pesant sur les élevages industriels et renonce à toute fiscalité écologique car « l’écologie ne doit pas être punitive ». Le marché qui est par nature, en économie capitaliste, incapable de prendre en compte la contrainte environnementale, impose donc son prix et sa loi.

Se privant de tout mécanisme de régulation, le gouvernement s’efface devant les industriels et favorise donc, passif, un développement agricole non soutenable, énergivore, et allant à l’encontre de ses objectifs affichés. Il perd comme d’habitude sur les deux tableaux, le social et l’écologique.

Pendant ce temps, les travaux pour la construction du barrage de Sivens dans le Tarn ont débuté le 1er septembre sous la protection des forces de l’ordre. La retenue d’eau de Sivens ( 1,5 millions de m3) devrait permettre aux gros maïsiculteurs de la région, pourvoyeurs des élevages industriels ( de volailles notamment) d’augmenter leurs rendements en assurant l’irrigation de leurs parcelles en saison sèche.

Ce chemin de la transition, semé d’embûches, est marqué par une absence criante de volontarisme et d’engagement politique. Comment arriver dans ces conditions à réduire par un facteur 4 notre dépense énergétique ? Les voies de Ségolène Royal sont impénétrables.