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Le jeune avocat pénaliste, issu d’un quartier populaire de Montargis, s’est imposé dans un milieu élitiste. Habitué des médias, il dénonce le racisme qu’il subit dans sa profession.
Vendredi 24 novembre 2023. Devant les pontes du barreau de Paris, la maire de la capitale Anne Hidalgo et le garde des Sceaux de l’époque, l’avocat Éric Dupond-Moretti, Seydi Ba s’avance au pupitre. Sûr de lui, le deuxième secrétaire du concours d’éloquence de la conférence du stage, lance : « Inchallah, le corps remontera, si Dieu le veut, il reverra les cieux ! »
La tradition veut que le deuxième secrétaire soit l’orateur de rentrée du barreau de Paris et qu’il s’attelle, dans cette plaidoirie fictive, à « rouvrir » un procès. Seydi Ba, vêtu de sa robe noire, a choisi celui qu’intentât en diffamation Maurice Papon à l’historien Jean-Luc Einaudi.
Le choix du procès Papon-Einaudi
Un an plus tard, dans son cabinet face au tribunal de Paris, porte de Clichy, l’avocat justifie son choix : « Je voulais rouvrir un procès militant. J’ai d’abord pensé au massacre de Thiaroye de 1944, quand l’armée française a tiré sur des tirailleurs sénégalais qui réclamaient leur solde. Mais il n’y a pas eu de procès. L’idée de Jean-Luc Einaudi m’est venue à la découverte d’un livre de Fabrice Riceputi. » (...)
Le trentenaire est parvenu, par une farouche volonté, à s’imposer dans le très feutré milieu des avocats parisiens. Issu du quartier populaire Kennedy de Montargis (Loiret), l’étudiant en droit a cumulé jusqu’à trois petits boulots. (...)
D’où tire-t-il sa motivation ? La réponse de Seydi Ba est tranchante : « L’histoire d’une profonde injustice. » Celle de son père, arrivé en France à la fin des années 1980, qui n’a pu exercer de profession à la hauteur de ses compétences malgré un doctorat en agronomie obtenu à Krasnodar, en URSS. Originaire de Mauritanie, il devient alors agent de sécurité, ouvrier dans des usines du Montargois. (...)
Seydi Ba est aujourd’hui l’un des jeunes avocats en vogue. Ce qui ne l’empêche pas de subir, quotidiennement, des agissements racistes ancrés dans le milieu judiciaire, qu’il dénonce sur son compte X. Comme ce jour de septembre où il se rend à l’entrée des avocats au tribunal de Paris. « Je ne me suis pas rendu compte que j’étais le seul à me faire contrôler. C’est un confrère qui me l’a signalé. Cela démontre à quel point le racisme peut être intériorisé. » (...)
« J’ai attendu mon client quarante-cinq minutes au parloir, puis un maton est passé et a glissé à son collègue : » Mais il fout quoi dehors, celui-là ? « »
Selon lui, « le monde de l’avocat est un milieu bourgeois, avec l’idée selon laquelle la robe efface toutes les discriminations ». Ainsi, courant octobre, un procureur s’est permis de lancer à Seydi Ba : « C’est une autre culture ! » durant un procès.
« J’ai demandé à la présidente d’acter ses propos dans le procès-verbal. Elle m’a répondu ne pas avoir entendu. C’était bien la seule ! tance l’intéressé. Par la suite, j’ai tenté de dénoncer cette remarque auprès du Conseil de l’ordre. Un des responsables ne voyait pas le mal. Pour lui, » la différence de culture est enrichissement ». » Courant 2025, doit se tenir le procès de l’immonde French Bukakke, une plateforme pornographique qui s’est spécialisée dans le viol (de femmes) en réunion. Seydi Ba y défendra une des victimes.