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Les dévastations subies par Mayotte suite au passage du cyclone Chido sont une catastrophe totale. Ses effets sont aggravés par une situation d’exception discriminatoire permanente. Ce département français n’est pas régi par les lois communes de la République, mais par une dégradation des droits de populations qui n’ont qu’un seul défaut, exister sur place.
Les dévastations subies par Mayotte suite au passage du cyclone Chido sont une catastrophe totale. Le bilan humain reste impossible à évaluer dans les circonstances actuelles, tant les difficultés de transport, de ravitaillement, d’information sont difficiles alors que le travail des acteurs de la protection civile est difficile et dangereux. Mais l’ampleur des dégâts apparaît dans les images dont on dispose.
A chaque fois qu’une région, une ville, voire un pays, et ses populations subissent ces drames, deux questions se posent.
La première : y-a-t’il une aggravation de la force et de la fréquence de ces événements ? La réponse est positive (...)
La deuxième : des politiques publiques auraient-elles permis de prévenir et de diminuer les dégâts humains ? Là aussi la réponse est positive. Ainsi, le GIEC a publié son premier rapport d’évaluation en 1990 et explorait des décisions à prendre. Mais en 2024, 34 ans plus tard, aucune politique cohérente et suivie n’a pu empêcher la succession de plus en plus rapide d’événements cataclysmiques.
A Mayotte, les deux effets – climatique et politique – sont aggravés par une situation d’exception discriminatoire permanente. (...)
Issue d’une décolonisation inachevée, le statut de Mayotte est régulièrement dénoncé par l’Assemblée générale de l’ONU. Mais incapable de choisir un débat avec la République des Comores, dont Mayotte aurait du être l’une des régions, la France s’affronte inéluctablement à l’absence d’une issue positive et est condamnée à une fuite permanente.
C’est ainsi que les associations de défense des droits constatent que depuis des années, particulièrement les opérations dites « Wambushu » et de « décasages », ont organisé de fait la précarisation des populations en acculant à la clandestinité celles et ceux que certaines fractions de la population mahoraise continuent à juger comme des délinquants et des illégaux, même si nombre d’entre elles et ils sont d’ici et pas d’ailleurs. Au point que des blocages de services publics indignes du droit de la République mettent en coupe réglée l’égalité des droits. (...)
« le délégué du gouvernement ne se sent pas tenu de rétablir le droit et l’ordre et de garantir l’accès aux services publics. Personne ne veut s’en mêler. Ni la justice ni la police ». (Blog Daniel Gros, 2 décembre 2024)
Et quand le cyclone s’est abattu sur l’île, ce sont les plus pauvres, les plus exclus, les pourchassés, les méprisés, celles et ceux qui tentaient de survivre dans des habitations de fortune qui ont subi le plus la violence des éléments.
Une catastrophe naturelle donc, mais dont les effets sont inscrits dans l’absence de politique internationale de lutte contre le dérèglement climatique et dans une volonté de criminaliser les populations marginalisées. Le Président de la République décrétera l’ « état de catastrophe naturelle », on fera appel à la « solidarité nationale »… mais on cachera soigneusement les manquements en exigeant le retour de la sécurité et de l’ordre public… on désignera les fautifs, les migrants, comme vient de le faire le ministre de l’Intérieur, avec une indécence insupportable, voir criminelle en désignant les boucs émissaires et en répondant aux appels des milices organisées : « On ne pourra pas reconstruire Mayotte sans traiter, avec la plus grande détermination, la question migratoire ». Et l’on ne peut s’empêcher de rapprocher – toutes choses égales par ailleurs – Mayotte dévastée de La Nouvelle Orléans : une catastrophe naturelle qui a débouché sur du nettoyage social dans la ville. (...)
Tout le monde savait qu’en cas de cyclone, ces quartiers seraient dévastés. « On en parlait depuis des années, indique un ancien haut fonctionnaire qui est passé par Mayotte dans les années 2000. Déjà à l’époque, on savait que c’était explosif. Mais que pouvait-on y faire ? » (Blog Mediapart 16 décembre 2024)
Aujourd’hui 2024, l’explosion a eu lieu. La LDH attend du gouvernement qu’il agisse avec les immédiates mesures de protection civile et approvisionnement des populations, qu’il demande à M. Retailleau, ministre de l’Intérieur démissionnaire, de retrouver le sens de la mesure, aux élus locaux, singulièrement celles et ceux qui ont fait de l’opposition entre les populations une stratégie, de revenir à la raison, au préfet de Mayotte de faire rétablir l’accès républicain aux services publics, et à toutes et à tous d’avoir comme exigence l’égalité des droits.