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Les super pouvoirs des oiseaux migrateurs révélés par la science
#oiseauxmigrateurs
Article mis en ligne le 26 décembre 2024
dernière modification le 23 décembre 2024

(...) Vous avez admiré les performances des athlètes aux Jeux olympiques et paralympiques de Paris ? Vous pouvez vous extasier devant des prouesses plus incroyables encore en levant les yeux et en contemplant les oiseaux migrateurs passer au travers des nuages. Quand les médias sportifs s’ébahissent du record — non homologué — établi en 2019 par le marathonien Eliud Kipchoge, passé sous la barre des deux heures, le minuscule bécasseau de l’Anadyr, qui ne dépasse pas les 30 cm et 250 g, parcourt d’un vol sans escale l’équivalent de 126 marathons au cours de sa migration annuelle entre l’Australie et la Corée.

De tels exploits, Le Monde à tire-d’aile, de Scott Weidensaul, en regorge. Dans son ouvrage — enfin traduit en français —, cet ornithologue amateur étasunien et journaliste spécialiste des questions environnementales depuis les années 1970 brosse un panorama mondial des migrateurs et de leurs prodiges, mais aussi des menaces que l’espèce humaine fait peser sur eux, au risque de voir disparaître ces champions des airs.

« Âge d’or de l’ornithologie »

(...) Désormais, on mesure des distances et des itinéraires toujours plus incroyables, à l’image de la sterne arctique, championne toutes catégories confondues, qui parcourt environ 80 000 km au cours de sa migration annuelle d’un pôle à l’autre, certains individus poussant jusqu’à 92 000 km. Apparaît ainsi un nouvel objet d’étude pour l’ornithologie : la connectivité migratoire, c’est-à-dire la liaison géographique des individus ou des populations entre les différentes étapes du cycle annuel. (...)

Outre les distances époustouflantes parcourues par les migrateurs, cette approche met en lumière les extraordinaires capacités physiologiques qui leur permettent d’accomplir de tels vols. Pour voler à 7 200 m d’altitude et franchir l’Himalaya, les oies à tête barrée ont développé un système respiratoire capable de renouveler l’air à d’aussi hautes altitudes. Pour se préparer à leur vol sans escale de sept à neuf jours entre l’Alaska et la Nouvelle-Zélande, les barges rousses accumulent pour leur part jusqu’à dix-sept fois plus de graisse dans leur métabolisme, qu’elles brûlent plus efficacement que les humains sans risque de déshydratation.

À défaut de pouvoir jeter du lest, certains oiseaux s’allègent en rétrécissant leurs organes digestifs et reproducteurs le temps du vol, voire en cannibalisant leurs tissus internes, sans dommages à long terme.

Enfin, on sait à présent que nombre de migrateurs recourent, pour s’orienter dans la nuit, à rien de moins que l’intrication quantique qui permet d’entremêler deux photons, quelle que soit leur distance, l’un frappant l’œil de l’oiseau et l’autre restant dans les astres au moyen desquels il se dirige. En somme, « au cours des deux dernières décennies, nous avons réalisé à quel point nous avions sous-estimé l’immensité des capacités physiques » des oiseaux migrateurs, observe l’ornithologue. (...)

triste constat fait par des ornithologues californiens dans les années 1990, quand ils observèrent l’effondrement en quelques années à peine des buses de Swainson dans la Butte Valley, où les rapaces étaient protégés. Sachant que les buses passaient l’hiver en Argentine, les scientifiques s’y rendirent et découvrirent avec horreur la transformation des pâturages où les volatiles avaient coutume de vivre en monocultures de tournesol et de soja copieusement arrosées de pesticides. L’interdiction dudit pesticide par le gouvernement argentin eut tôt fait d’inverser la tendance et de restaurer la population des buses de Swainson.
Parmi les premières victimes du dérèglement climatique

Ces « effets de report » se constatent dans les deux sens : en Europe occidentale, la population de gobemouches noirs s’effondre de manière dramatique. Avec un retard toujours croissant de quelques jours, ces migrateurs partis des forêts ouest-africaines ratent le pic d’abondance des insectes dont se nourrissent leurs juvéniles. Insuffisamment nourris, peu de nouveau-nés parviennent ainsi à l’âge adulte. (...)

Quand ils ne sont pas directement visés par les activités humaines, les oiseaux migrateurs, sentinelles de la nature, figurent parmi les premières victimes du dérèglement climatique. (...)

Lueurs d’espoir

Au demeurant, Le Monde à tire-d’aile comporte quelques lueurs d’espoir. D’une part, il montre qu’avec de la volonté politique, on peut empêcher le déclin des migrateurs. (...)

Si l’on désire encore contempler à l’avenir ces grands et petits champions des cieux, le principal levier demeure en nous-mêmes et dans notre manière d’habiter et partager la Terre.

Le Monde à tire-d’aile. L’odyssée mondiale des oiseaux migrateurs, de Scott Weidensaul, aux éditions Actes Sud, collection « Mondes sauvages », octobre 2024, 496 p., 24 euros.

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