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le vent se lève
JO 2030 dans les Alpes françaises : une impasse écologique et démocratique
#Courchevel #montagne #rechauffementclimatique #JO2030
Article mis en ligne le 8 décembre 2024
dernière modification le 6 décembre 2024

Les Jeux Olympiques d’hiver 2030, attribués aux Alpes françaises, symbolisent l’aveuglement face aux urgences démocratiques et climatiques. Alors que la neige se raréfie et que le modèle économique de nombreuses stations est menacé, cette compétition serait un pas de plus dans la fuite en avant. C’est du moins l’analyse que développe Fiona Mille, présidente de l’association Mountain Wilderness, dans son ouvrage Réinventons la montagne. Alpes 2030 : un autre imaginaire est possible (Éditions du Faubourg). À travers trois scénarios prospectifs, l’autrice invite à repenser en profondeur notre rapport à la montagne et à sortir des logiques dépassées du « tout-ski » et du « tout-tourisme ».

(...) Alors qu’un mois de couverture neigeuse a déjà été perdu dans les Alpes depuis les années 1970, le réchauffement climatique va désormais s’intensifier. Avec 53 % des stations européennes menacées d’une grave pénurie de neige en cas de réchauffement de 2°C, et jusqu’à 98 % à 4 °C, l’avenir du ski alpin est profondément remis en cause. (...)

Or, à l’exception des grandes stations de haute montagne, personne ne semble prêt à cette fin de la neige. Sous la présidence de Laurent Wauquiez, la seule réponse de la région Auvergne-Rhône-Alpes, qui compte le plus de stations, a été de subventionner massivement l’installation de canons à neige. Après 50 millions d’euros dépensés lors de son premier mandat (2016-2021), Wauquiez en a promis 50 de plus dans le cadre du « plan neige » de son nouveau mandat. Pour faire bonne figure, la Région financera aussi quelques dameuses à hydrogène, histoire de ne pas oublier l’écologie. Mais cette avalanche d’argent public n’offre en réalité qu’un court répit aux stations, tout en saccageant l’environnement pour installer des retenues collinaires, des tuyaux et des canons. (...)

En attendant, le recours à ces canons renforce les difficultés financières des stations. (...)

Ce contexte renforce une dynamique déjà en marche : le ski, toujours plus coûteux et concentré dans les stations de haute montagne, devient une activité de luxe. L’augmentation des prix des forfaits et la montée en gamme des infrastructures transforment ce loisir en un privilège réservé aux élites. (...)

les classes populaires en sont toujours plus exclues, à mesure que les colonies de vacances et hôtels familiaux sont remplacés par des établissements haut de gamme. (...)

Un cercle vicieux inégalitaire est en marche dans nos montagnes : pour faire face aux coûts des investissements (canons à neige, téléphériques…), les stations augmentent le prix des forfaits, ce qui attire une clientèle plus aisée, prisée par des promoteurs qui font exploser les prix des terrains… Enfin, les skieurs des Alpes françaises viennent de plus en plus de l’étranger, de moins en moins de Français ayant les moyens de pratiquer ce loisir. Si ce tourisme rapporte beaucoup, il augmente encore le bilan carbone de ce loisir, en raison des voyages en avion de cette riche clientèle étrangère.
Des JO imposés et désuets

Dans cet univers en mutation, les Jeux Olympiques d’hiver 2030 apparaissent comme un vestige d’un autre temps. (...)

Par crainte de rejet, comme cela aurait pu être le cas si les candidatures de la Suisse et de la Suède avaient été retenues par le CIO, aucun débat public n’a été organisé en France. Résultat : un sentiment d’injustice et une opposition croissante au sein de l’opinion.

Or, la montagne, « sentinelle du climat », se réchauffe deux fois plus vite que la moyenne mondiale. Dans les Alpes, les températures ont déjà augmenté de +2°C depuis 1900, mettant en péril les écosystèmes et les activités humaines. La fonte accélérée des glaciers perturbe le cycle de l’eau, privant les vallées de ressources essentielles pour l’agriculture et les usages domestiques. (...)

Les Jeux Olympiques, loin de s’adapter aux réalités décrites par les scientifiques, amplifient en effet ces tensions. Le recours massif à la neige artificielle et à des infrastructures énergivores, présenté comme des solutions, ne fait que renforcer le risque environnemental dans ces territoires fragiles. Ces choix témoignent d’une fuite en avant technologique et d’un non-sens économique, alors même que nombre stations de ski de moyenne altitude sont déjà dépourvues d’enneigement. (...)

Pourtant, comme le montre Fiona Mille, cette crise pourrait être une opportunité de transformation. En replaçant la transition écologique et la justice sociale au cœur des décisions, il serait possible d’imaginer un autre avenir pour la montagne – un avenir construit avec les habitants et non contre eux. (...)

Un appel à repenser la montagne

Face à ces constats, Fiona Mille propose trois scénarios prospectifs pour les Alpes à l’horizon 2030. Dans le premier, les JO ont lieu, mais au prix d’une catastrophe environnementale et sociale (...)

Dans le second scénario, les JO sont annulés en 2029 en raison de l’aggravation des crises climatiques et géopolitiques. Cette décision intervient dans un contexte d’abandon des territoires de montagne, frappés par des sécheresses, des incendies et des pénuries d’eau.

Enfin, le troisième scénario raconte comment un mouvement citoyen transforme l’opposition aux JO en un projet alternatif. Les stations deviennent des centres éducatifs et culturels. Les compétitions sportives, rebaptisées « Sportivades », adoptent des pratiques écoresponsables. Ce scénario explore un imaginaire inédit, où la montagne serait un lieu d’innovation écologique et sociale. Pour Fiona Mille, ces scénarios ne sont pas des prédictions, mais des invitations à agir. (...)

Les limites du « tout ski » étant désormais flagrantes, Réinventons la montagne nous appelle à imaginer une montagne qui ne soit plus un simple décor pour les loisirs, mais un refuge pour la biodiversité et un modèle de sobriété. Fiona Mille nous pousse à questionner notre rapport à ces territoires fragiles et à réfléchir dès maintenant à leur avenir.