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Des giga-industries veulent se débarrasser de leur CO2 en l’injectant sous la mer
#urgenceclimatique #CO2 #UE
Article mis en ligne le 10 décembre 2024
dernière modification le 8 décembre 2024

Capturer du CO2 à Fos-sur-Mer, l’une des plus grandes zones industrielles de France, le liquéfier puis l’embarquer vers l’Italie sur un bateau pour l’enfouir sous la mer. Tel est le projet Callisto, qui inquiète les écologistes.

Une partie de ce CO2, issu des usines françaises, serait embarqué à Fos-sur-Mer, deuxième plus grande zone industrielle de France située entre Marseille et la Camargue, et emmené jusqu’à l’Adriatique en passant par l’Italie. Il serait enfermé dans d’anciennes poches de gaz situées sous la mer, autrefois exploitées par le pétrolier italien ENI.

Ce dernier, ainsi que l’entreprise française Air Liquide, sont parmi les maîtres d’œuvre du projet Callisto. La Française se chargera du transport et de la liquéfaction du gaz capté dans les fumées des usines, probablement sur un site dédié à Lavéra, près de Fos. L’Italienne le réceptionnera pour l’enfouir. Démarrage prévu dans les mois à venir pour le CO2 issu des industries italiennes et à partir de 2029 pour celui importé de France.

Dans un premier temps, environ 4 millions de tonnes de gaz carbonique seraient injectées annuellement dans le sous-sol de la mer au large de Ravenne. Puis, au-delà de 2030, jusqu’à 16 millions de tonnes par an pourraient rejoindre le stockage géologique. Si en Italie, Callisto est prêt à démarrer, en France, on en reste au stade des annonces. (...)

L’initiative a en tout cas été sélectionnée par la Commission européenne pour rejoindre la liste des « projets d’intérêt communs ». (...)

D’ici quelques mois, les industries du nord de l’Europe seront les premières à entreposer leur CO2 sous les eaux norvégiennes et danoises (...)

Une solution de dernier recours ?

Au grand dam de nombreuses ONG environnementales, qui pointent les risques de relargages toxiques et, plus globalement, les limites climatiques de la méthode. « Les efforts doivent être faits à la base pour rejeter moins de gaz à effet de serre, assure Grégoire Atichian, de France Nature Environnement Bouches-du-Rhône. Si le CO2 est stocké, les changements nécessaires pour arrêter de polluer ne seront pas faits. » Il n’y a pas de « réelle remise en cause du système productif actuel », confirme le Réseau Action Climat (RAC) dans son rapport sur la décarbonation des cinquante plus gros émetteurs industriels français. (...)

Un « carboduc » de Lyon à Fos

Selon la même logique, une quinzaine d’industries de la région lyonnaise et de la vallée du Rhône devraient être connectées à Callisto via un « carboduc » baptisé Rhône CO2. Arrivée à Fos, une partie du CO2, issu de la combustion de biomasse, et non de ressources fossiles, servirait à la fabrication de carburant. Il est en effet possible de transformer le CO2, en le mélangeant à d’autres éléments chimiques, en diméthyle éther utilisé par les poids lourds. Ce sera le cas pour le gaz carbonique rejeté par le fabricant de pâte à papier Fibre Excellence, à Tarascon, connu dans la région pour ses rejets incommodants.

Le CO2 non valorisé de cette manière devrait ensuite être liquéfié à Fos par Elengy, pour être chargé sur des bateaux en direction Ravenne, à l’est de l’Italie septentrionale, en bordure de la mer Adriatique. Là-bas, d’autres carboducs relieraient également les sites industriels très émetteurs d’Émilie-Romagne et de Vénétie à une usine de liquéfaction, avant l’injection du CO2 dans la croûte terrestre, sous la mer. (...)

Las, une partie de la région de Ravenne, où transiteraient les gazoducs, est « classée en zone à fort risque sismique », dit Elena Gerebizza, chargée de campagne à l’ONG italienne Recommon, qui a publié une note sur la question. Et les environs subissent de plus en plus d’inondations violentes, accentuées par le réchauffement climatique. (...)

Et en cas de mouvements de terrain ?

Elena Gerebizza craint que les infrastructures transportant le CO2 soient endommagées par les catastrophes climatiques à venir, et que des fuites toxiques, et même mortelles, se produisent. (...)

Tout en prévoyant d’y avoir recours, certains industriels soulignent aussi les « incertitudes » liées à la mise en œuvre du CCS. « On sait enfouir le CO2 dans la roche, mais il faut parvenir à évaluer la porosité de celle-ci pour s’assurer de l’étanchéité totale sur des siècles », explique Susanna Vanneste-Porqueras d’Ineos.

L’intérêt climatique en question

La vertu climatique d’un tel projet reste à prouver. Dans un avis technique publié en 2020 sur le CCS, l’Ademe, l’agence de la transition, considère que « le futur site de stockage géologique doit être le plus proche de la source de CO2, entre 100 à 200 kilomètres au maximum ». Au-delà de cette distance, l’énergie engagée pour le transport pourrait rendre négatif le bilan des émissions.

Le coût financier sera, lui aussi, important. (...)

En novembre 2022, Emmanuel Macron avait promis 10 milliards d’euros d’aides pour la décarbonation des cinquante industriels les plus émetteurs de CO2 en France. Une partie devrait être consacrée à cette solution contestée et coûteuse de l’enfouissement du gaz carbonique.

La consultation publique pour le pipeline Rhône CO2 doit s’ouvrir dans les prochaines semaines. (...)