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Ce qu’une note des RG préconisait pour les quartiers populaires… dès 2005
#quartierspopulaires #inegalites #discriminations #emeutes
Article mis en ligne le 2 juillet 2024

Les révoltes qui suivent la mort d’un jeune habitant des quartiers populaires sont toujours suivies de réponses répressives et réactionnaires de la part des autorités. Pourtant, une note des RG, après les émeutes de 2005, donnait une lecture bien plus sociale des événements. Signe que cette réponse politique là a toujours été balayée par les gouvernements successifs.

(...) Depuis un an, le gouvernement n’a cessé de discréditer, voire de disqualifier toute politique souhaitant s’attaquer aux causes sociales des révoltes. À Mathilde Panot, qui demandait humblement à Elisabeth Borne, alors première ministre, de « trouver une réponse politique de nature à apaiser le pays », la locataire de Matignon répond : « Je cherche vos condamnations et j’entends des excuses. Vous cherchez des coupables partout, sauf chez les auteurs de violence. »

Gérard Larcher, alors ministre délégué à l’Emploi, trouvait lui, une cause possible aux émeutes dans… ‘la polygamie’. (...)

Contextualiser peut en effet ne pas s’avérer inutile. Car depuis quarante ans, le même scénario se répète inlassablement. Des premières « violences urbaines » en 1979 à Vaulx-en-Velin jusqu’à Nanterre l’an dernier. À chaque fois ou presque, l’élément déclencheur provient de la blessure ou la mort d’un habitant par un agent de police (1). (...)

Sarkozy vire le patron des RG

Au lendemain des révoltes des banlieues françaises de 2005, la Direction centrale des renseignements généraux pond, en effet, un rapport intitulé « Crise des banlieues : violences urbaines ou insurrection des cités ». Le document, daté du 23 novembre, est publié pour la première fois en intégralité dans le livre « Maintien de l’ordre », paru en 2007, du journaliste David Dufresne. Rédigé dans un jargon propre à la pensée policière, le rapport surprend par sa mise en avant du contexte socio-économique des banlieues françaises. Une analyse bien différente de celle livrée par les actuels renseignements territoriaux au lendemain de la mort de Nahel. Depuis, une analyse de l’IGA et de l’IJS a tenté de déceler l’intention des « délinquants » appréhendés par la justice.

La note de 2005, anonyme, « comme c’est l’usage chez les RG », rappelle David Dufresne, « coûtera sa place au patron des RG quelques mois plus tard ». La raison ? « Ses conclusions, qui mettent l’accent sur les motivations sociales des émeutiers, écrit le journaliste, vont à l’encontre de la vision délictuelle des faits exprimés par Nicolas Sarkozy. » (...)

« Les jeunes des quartiers pénalisés par leur pauvreté »

À (très) gros traits, les RG tentent alors d’identifier les caractéristiques communes à ces grands ensemble, construits à la fin des années 1950 pour répondre à l’énorme demande de logement. Depuis années 1970, une « accumulation d’un ensemble de dysfonctionnements et de problèmes » les différencient de « l’habitat traditionnel », des centres urbains et des zones rurales. Au fil des ans, les cités seraient devenues de « véritables ghettos urbains à caractère ethnique » sans « réelle mixité sociale ». Des zones reléguées à « forte concentration de gens exclus économiquement » en proie à une « importante déscolarisation des enfants » et à « des dégradations et un vandalisme quotidien qui annihilent les efforts de rénovation du bâti ». Ce qui générerait un « fort sentiment d’insécurité parmi les résidents et exaspération face aux incidents à répétition et incivilités ».

En 2019, le taux de pauvreté des quartiers prioritaires était trois fois plus élevé que l’ensemble du territoire.

En cause ? Le chômage massif et les discriminations à l’embauche, le développement des trafics lucratifs… « Les jeunes des quartiers sensibles se sentent pénalisés par leur pauvreté, leur couleur de peau et leur noms », écrivent même le ou les auteurs anonymes. Le tout aggravé par « l’enclavement », la « forte densité urbaine », les « fortes tensions sociales et identitaires », les « fragilités sociales ». (...)

En conclusion de leur rapport, les RG prévenaient sans détour : « Le fond du problème ne se résoudra pas avec la proclamation de bonnes intentions et l’annonce d’un déblocage de subventions. » En guise de « bonnes intentions », les banlieues ont surtout vu leur échapper en 2018, le fameux « plan Borloo », commandé par Emmanuel Macron avant que celui-ci ne le mette lui-même sous le tapis. Quant aux partisans d’une réponse stricto policière, les informateurs du pouvoir alertaient déjà sur le besoin « justifié » de sécurité : le « rétablissement de l’ordre républicain » rejeté par une partie des habitants des cités « ne fera qu’accroître la fracture entre villes et banlieues, entre jeunes et vieux, français d’origine et français issus de l’immigration » (...)

Relire ces remontées du renseignement intérieur presque vingt ans après leur rédaction, permet d’apprécier combien s’est imposée la « religion sécuritaire ». Depuis la mort de Zyed et Bouna, les interventions policières mortelles et leur impunité se sont accrues. (...)

Des marches justice et vérité aux manifestation climat, des gilets jaunes aux manif’ retraites, les manifestants n’ont trouvé aucune réponse politique concrète.

À un an de la mort de Nahel et à la veille d’une possible accession du RN au pouvoir, on en mesure l’impressionnante efficacité en matière de prévention des violences : « Il est à craindre désormais que tout nouvel incident fortuit (re-sic) [décès d’un jeune d’un quartier, NDLR] ne provoque une nouvelle flambée de violences généralisées », concluaient les RG de 2005. La note interne débutait en ces termes : « Le calme apparent qui règne dans les cités ne doit pas accréditer l’idée que le fond du problème est réglé. » Comme un éternel recommencement. (...)