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Mediapart
L’éternel retour du marchepied de la droite à l’extrême droite
#electionslegislatives #extremedroite #droite
Article mis en ligne le 4 juillet 2024
dernière modification le 2 juillet 2024

Comme dans les années 1920 et 1930, ce sont les droites apeurées par les conséquences de leurs propres échecs qui ouvrent la porte du pouvoir à l’extrême droite. L’ordre social et économique passe avant les leçons de l’histoire.

Les ombres du passé n’ont jamais été aussi présentes. En ces jours où l’extrême droite menace de s’emparer du pouvoir en France avec un tiers des voix, l’écho des basculements italien et allemand des années 1930 est assourdissant. Dans les deux cas, ce basculement a été le produit d’une alliance avec une droite apeurée par les conséquences de ses propres échecs. Ce sont ces apprentis sorciers qui font, in fine, disparaître la démocratie.

Et ce sont les mêmes que l’on voit revenir dans la France contemporaine sous des visages différents. L’alliance des Républicains (LR) tendance Éric Ciotti avec le Rassemblement national (RN) a ainsi été suivie par les pudeurs de gazelle de plusieurs responsables de la majorité présidentielle et de la droite dite « républicaine » appelant à ne pas choisir entre le Nouveau Front populaire (NFP) et le RN.

L’ancien premier ministre Édouard Philippe, la présidente de la région Pays de la Loire (Horizons), Christelle Morançais, ou encore les ministres Dominique Faure et Bruno Le Maire, ont choisi cette voie du « ni-ni ». Une voie appuyée aussi par un éditorial du Figaro qui, dans les circonstances actuelles, revient à préférer le risque de l’arrivée au pouvoir de l’extrême droite à celui de renforcer à l’Assemblée nationale un groupe de gauche. Le député européen LR François-Xavier Bellamy, lui, avait même appelé le 13 juin à voter RN pour faire barrage à « l’extrême-gauche » au deuxième tour. (...)

Sans doute ces braves défenseurs de la société libérale et de la « République » pensent-ils que le danger n’est pas si grand que l’on en soit réduit à voter pour un candidat de gauche. Sans doute croient-ils que leur fermeté leur permettra de réaliser une nouvelle union des « centres » qui viendra, en son temps, prendre la place du RN.

Le funeste pari des droites

Mais ce pari a déjà été fait. Et il a déjà été perdu maintes fois. (...)

Le récit dominant des basculements italien et allemand insiste beaucoup sur les « erreurs » de la gauche italienne ou allemande. Leur responsabilité est sans doute réelle et leurs fautes indéniables, mais on oublie alors trop rapidement que si fascistes ou nazis sont arrivés concrètement au pouvoir, c’est parce que la droite leur avait concrètement ouvert la porte. Sans cette aide directe, ni les fascistes, ni les nazis ne se seraient emparés du pouvoir.
Sinistres dénis

Les bas calculs politiciens d’un Édouard Philippe ou d’un Bruno Le Maire ne peuvent donc que se mesurer à l’aune de ces deux erreurs du passé. Jouer la victoire de l’extrême droite pour espérer « rebondir » ensuite est un calcul perdu d’avance et désastreux pour le pays. Car, comme le montrent les deux exemples ci-dessus, l’extrême droite ne rend pas le pouvoir qu’on lui donne.

Les Machiavel d’opérette de la droite feraient bien d’y songer : les premières cibles de l’extrême droite, ce sont les institutions et les contre-pouvoirs (...)

Peu importe donc que ces inconscients finissent comme von Papen ou comme Croce, leur responsabilité est immense. Elle traduit une réalité crue : celle d’une priorité absolue donnée à la domination du capital sur la société. Cette priorité les amène toujours à surestimer le « danger » de la gauche qui (pensent-ils) la menace directement, et à sous-estimer l’extrême droite qui ne touchera pas à l’essence de cette domination et saura se faire « discipliner » par les marchés financiers.

C’est le sens de la diabolisation de la gauche, même la plus modérée. (...)

Peu importe donc que ces inconscients finissent comme von Papen ou comme Croce, leur responsabilité est immense. Elle traduit une réalité crue : celle d’une priorité absolue donnée à la domination du capital sur la société. Cette priorité les amène toujours à surestimer le « danger » de la gauche qui (pensent-ils) la menace directement, et à sous-estimer l’extrême droite qui ne touchera pas à l’essence de cette domination et saura se faire « discipliner » par les marchés financiers.

C’est le sens de la diabolisation de la gauche, même la plus modérée. (...)

L’option autoritaire devient alors incontournable pour imposer le maintien d’un modèle économique à bout de souffle et étouffer toute contestation d’ensemble du système. Cette option est souvent ouverte par la droite conservatrice elle-même afin d’imposer ses mesures de réaction sociale. En 1932, l’Allemagne de Weimar avait déjà glissé dans une forme autoritaire avant la nuit nazie et le régime d’Emmanuel Macron a été un moment autoritaire indéniable.

Mais comme la crise ne se résout pas, ou plutôt comme il s’agit de sauver un modèle en crise permanente, le Parti du capital n’hésite plus à se replier sur une option ultra-autoritaire, qu’il prétend temporaire mais qui finira par engloutir le pays. C’est à cette impasse sinistre que conduit l’obsession conservatrice. C’est cet aveuglement qui, à chaque fois, leur fait oublier leur responsabilité devant l’histoire.