Bandeau
mcInform@ctions
Travail de fourmi, effet papillon...
Descriptif du site
Blast
Cauchemar en cuisine : quand les fachos récupèrent la « bonne bouffe » française
#cuisine #terroirs #extremedroite #fascisme
Article mis en ligne le 8 août 2025
dernière modification le 6 août 2025

Après l’immigration, l’extrême droite a enfourché un autre cheval de bataille, supposément plus porteur dans la France des bourgs : la cuisine française des terroirs. C’est la nouvelle mode : des groupes néofascistes organisent de pantagruéliques agapes pour célébrer les traditions culinaires. Ingrédient particulièrement prisé, la viande de porc, qui permet en creux de stigmatiser musulmans, Juifs et vegans, considérés comme l’incarnation du diable wokiste.

Ils sont des dizaines, exclusivement des hommes, à chanter à tue-tête la ripaille, la picole et la gaudriole. À célébrer la bonne chère et les plaisirs rabelaisiens, les merveilles du terroir et la camaraderie virile. Ça ressemble à une décadente troisième mi-temps de rugby, à des jeunes hommes canalisant leur surplus de testostérone en bacchanales paillardes. « J’ai vu des bons vivants marcher dans nos campagnes j’ai vu des braves gens chanter pour leur compagne, et on se reconnaîtra la la la la » s’égosillent un verre de vin à la main les fêtards sous un drapeau occitan.

« C’est des moments comme ça avec les copains, du bon vin, de la bouffe, rien de mieux », s’enthousiasme un jeune, béret orné de la croix occitane sur le crâne. Décadent, certes, mais apparemment convivial et bon enfant. Depuis 2 ans et demi, Banquet Garonne, basé à Toulouse, organise ces copieuses agapes, en coopération avec des producteurs locaux, dont la réputée maison Escudier, la reine du cassoulet. La neuvième édition a eu lieu le 25 mai dernier. (...)

au milieu de la foule se trémoussant et entonnant un chant traditionnel, deux bras se tendent et se lèvent, bien haut. Faut-il y voir une signification politique ? Les antifascistes locaux le pensent. Sur une vidéo, ils ont également vu un convive avec un teeshirt « Seine et Garonne ». (...)

Pour Toulouse, il s’agit essentiellement de la Youth Tolosa, la Camside Tolosa (hooligans d’extrême droite plus âgés) et Furie française (néofasciste).

L’autre « grand remplacement » selon l’extrême droite, celui des troquets d’antan par les kebabs

Le terroir, la gastronomie et un certain art de vivre à la française, autant de traditions que l’extrême droite prétend menacées.

Après l’immigration, elle enfourche ainsi depuis quelques année un autre combat : la défense du « mode de vie français », dont la gastronomie est un élément essentiel. Avec un nouvel épouvantail fantasmé, celui de l’autre « grand remplacement » (1) –comprendre : celui des troquets franchouillards par les kebabs, du cassoulet par le couscous et du bon vieux calendos-qui-pue par l’insipide tofu.

« Leur pinard et leur camembert, c’est leur seule gloire à ces tarés », chantait Renaud pour railler les Français cocardiers dans sa chanson Hexagone en 1975 (...)

« Il s’agit de traditions complètement fantasmées par l’extrême droite. On ne mangeait pas autant de viandes avant, pour des raisons économiques évidentes, cela restait réservé aux repas de fête », rappelle Nora Bouazzouni, journaliste spécialiste de l’alimentation (autrice de Mangez les riches : la lute des classes passe par l’assiette, 2023, éditions Nouriturfu et Violences en cuisine, 2025, éditions Stock). « La viande est devenue une arme politique pour l’extrême droite il y a une vingtaine d’années, avec les apéros saucisson pinard et les distributions de soupe aux cochons excluant les musulmans, poursuit-elle. Et après le musulman, un autre ennemi des traditions est arrivé : le vegan, assimilé aux écolos, aux féministes, et aux gauchistes. » La valorisation à outrance de la viande est devenue un sujet politique majeur pour l’extrême droite. (...)

Fabien Roussel, Georgia Meloni et la droite allemande, chantres du « gastronationalisme »

Mais le retour en grâce de la ripaille au détriment de la santé et de l’environnement ne se limite pas à quelques provocateurs 2.0. La défense du terroir rencontre un écho là où l’extrême droite d’antan, avec son discours monothématique sur l’immigration, avait du mal à s’implanter : la ruralité, la France des bourgs et des clochers, les paysans. « Il y a dans les campagnes une réaction assez compréhensible de type gilets jaunes contre les élites urbaines écolo bobo qui disent aux péquenots ce qu’ils doivent manger ou pas, comment ils doivent vivre et leur font la morale. L’extrême droite surfe sur la vague », développe Nora Bouazzouni.

Même à gauche, certains reprennent la thématique de la défense de la viande, du vin et de la bonne bouffe française, comme Fabien Roussel, qui s’était réjoui sur France info que le président Macron défende le vin (...)

Dans une vidéo d’un ridicule achevé avec Patrick Sébastien, il en remettait une louche le 29 avril 2022, l’animateur s’en prenant à la cible obsessionnelle des viandards, le tofu. (...)

Une vie sans saucisse est possible, mais elle n’aurait pas de sens (...)

« Fabien Roussel joue sur ce registre, alors qu’en réalité, ce n’est pas de viande que manquent les Français, mais de fruits et de légumes. Il n’y a pas qu’en France que l’on se targue d’être gastronome. Le “gastronationalisme“ est commun aux droites et extrême droites de tous les pays. » D’ailleurs, si le discours « gastronationaliste » français tend à présenter notre cuisine comme unanimement reconnue comme la meilleure du monde, c’est loin d’être le cas : celle-ci n’arrive qu’en huitième position dans le classement Taste Atlas 2024, qui se base sur les votes de 477 000 personnes dans le monde. La Grèce ravit cette année-là la première place à l’Italie.

Chez nos voisins transalpins, l’extrême droite au pouvoir a fait de la défense des plats traditionnels italiens un cheval de bataille. La présidente du gouvernement, Georgia Meloni, a bataillé de toutes ses forces pour tenter de bloquer l’étiquetage européen Nutri-Score qui classe les produits selon leurs qualités nutritives. (...)

En Allemagne, pays pourtant guère réputé pour sa gastronomie, l’alimentation est aussi pour la droite et l’extrême droite un terrain de bataille culturelle.

Le nationaliste Markus Söder, président de la très conservatrice Union chrétienne-sociale (CSU, branche bavaroise de la CDU) en Bavière, ne recule devant aucun excès pour défendre la sacro-sainte charcutaille germanique : « Une vie sans saucisse est possible, mais elle n’aurait pas de sens ».