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Mediapart
« C’est un champ de bataille » : le douloureux passage des minima sociaux à la retraite
#minimasociaux #retraite #inegalites
Article mis en ligne le 28 décembre 2024
dernière modification le 26 décembre 2024

« J’avais 16 ans et on travaillait tôt à l’époque, d’autant plus quand on était immigré et qu’on arrivait en France sans aucune ressource. Ils ne prennent pas en compte nos trajectoires et nos particularismes, ils appliquent froidement [les règles], s’emporte la sexagénaire. C’est exactement la même chose avec la retraite complémentaire avec l’Agirc-Arrco, tout ça pour terminer ses jours avec 400 ou 500 euros par mois. »

Ratiba peut prétendre à sa retraite telle quelle, et faire l’impasse sur plusieurs années de labeur, ou bien se battre pour retrouver certains documents et recontacter d’anciens employeurs, dans l’objectif de revaloriser sa maigre pension. « C’était la panique. Je devais retrouver tout un tas de documents, cela m’a pris trois mois. J’avais largement dépassé ma date d’anniversaire de 62 ans, à laquelle j’aurais dû commencer à toucher ma retraite », témoigne-t-elle.

Personne ne la prévient qu’elle doit continuer de déclarer sa situation à la CAF pour pouvoir continuer de toucher le RSA. Le paiement de l’allocation est suspendu. (...)

Dossier de retraite traité mais pas finalisé

Ils et elles sont nombreuses dans toute la France à vivre des situations similaires à celle de Ratiba. Carrières discontinues (CDD, intérim, contrats aidés), déménagements réguliers, logements trop étroits pour stocker des montagnes de documents administratifs, personnes âgées qui ne maîtrisent pas l’informatique ou ne disposent pas d’un ordinateur fonctionnel… Les difficultés pour rassembler et présenter la documentation nécessaire sont nombreuses.

Interrogée par Mediapart, la Caisse nationale d’allocations familiales (Cnaf) indique que les CAF sont censées envoyer aux allocataires un courrier six mois avant leurs 62 ans, pour les avertir des démarches à effectuer et leur donner le temps de rassembler les documents. Un courrier qui, dans les faits, n’est pas toujours reçu (...)

uand le traitement d’une demande démarre, cela ne veut pas dire que la pension de retraite va être touchée rapidement. Si le dossier est complexe, l’aboutissement de la démarche peut s’éterniser. (...)

« Quand son dossier pour la retraite est bloqué et qu’on ne touche plus le RSA, c’est comme si on n’avait plus d’existence institutionnelle, on est comme effacé, déplore le Grenoblois Alain Guézou. Il y a une maltraitance institutionnelle accentuée par le fait que l’on soit âgé. On ne sait plus vers qui se tourner, à quelle Carsat il faut s’adresser, tandis que les CAF répondent une fois sur trois. »

France Travail consciente des problèmes

Les personnes qui touchent une allocation chômage avant leur retraite peuvent souffrir de problèmes similaires. (...)

les situations où France Travail demande des remboursements ne sont pas rares, quand l’institution croit savoir qu’un allocataire touchait une allocation chômage en même temps que sa retraite. Alors que, parfois, « il ne touche ni l’un ni l’autre, mais les deux organismes se renvoient la balle » (...)

Bien conscientes des dysfonctionnements potentiels, France Travail et la Caisse nationale d’assurance vieillesse (Cnav) ont récemment signé une nouvelle convention de partenariat qui devrait offrir dès les premiers mois de 2025 « un parcours plus fluide et plus lisible pour leurs usagers ».

À compter de mars, un courrier cosigné par les deux institutions sera envoyé « quinze mois avant l’âge légal de départ en retraite […] aux demandeurs d’emploi concernés, les invitant à se rendre sur le site de la Cnav » pour compléter leur carrière. L’attestation nécessaire sera ensuite délivrée au plus tard dans les quatre mois, promet la Cnav.

Les personnes n’ayant pas effectué cette démarche seront recontactées sept mois avant leur âge de départ, et France Travail informera six mois à l’avance toutes et tous les allocataires de l’arrêt du versement de leur allocation chômage.
Fin des droits auxiliaires

Par ailleurs, les bénéficiaires du RSA disposent de droits auxiliaires : des aides locales gratuites (comme le transport ou la cantine), une protection universelle maladie s’ils ou elles ne sont pas couvertes contre les risques liés à la maladie ou à la maternité, une complémentaire santé solidaire ou encore une réduction du tarif d’un abonnement téléphonique fixe.

Une fois à la retraite, ces droits disparaissent. Les bénéficiaires basculent ainsi au régime général de la Sécurité sociale, à la contribution solidaire ou à la couverture maladie universelle. Et c’est souvent au moment de partir à la retraite qu’ils l’apprennent. (...)

Les allocataires ont la possibilité de maintenir leur RSA jusqu’à leurs 67 ans, et donc les droits qui vont avec. Mais ils ne sont pas forcément au courant, et rien n’est fait pour qu’ils le soient. (...)

Et ce n’est pas tout : on touche sa retraite le 6 ou le 7 du mois, ce qui peut compliquer le paiement du loyer et de toutes les factures. « Le RSA, c’était le 10 du mois. Dans les deux cas, c’est la merde, mais on est déjà habitués », ironise Ratiba.
De l’AAH à l’Aspa

Enfin, pour les bénéficiaires de l’allocation aux adultes handicapés (AAH), le passage à la retraite peut également être source de complication. Si toutes et tous ont le droit de partir à 62 ans, même après la réforme des retraites, le maintien de l’AAH n’est autorisé qu’aux allocataires en bénéficiant en raison d’un taux d’incapacité d’au moins 80 %. Dans ce cas, assure la direction générale de la cohésion sociale, il n’y a pas de démarche particulière à effectuer.

Mais l’AAH étant « une prestation différentielle, qui vient compléter les revenus de la personne dans la limite d’un plafond », l’administration rappelle que « le montant maximum des ressources globales cumulant une AAH et l’ensemble des pensions de retraite ne peut excéder ce montant, égal à 1 016,05 euros depuis le 1er avril 2024 ».

Pour les allocataires dont le taux d’incapacité est situé entre 50 % et 79 % mais qui bénéficiaient de l’AAH car elles et ils ne pouvaient pas travailler suffisamment en raison de leur handicap, il faut en revanche basculer vers une autre aide : l’allocation de solidarité aux personnes âgées (Aspa), accordée aux retraité·es ayant de faibles ressources.

Il faut alors monter un nouveau dossier. Et contrairement à l’AAH, l’Aspa n’est pas déconjugalisée (...)