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Mediapart
Avec Musk, le cyclone Trump balaye l’Europe sur son passage
#Musk #Trump #Europe #extremedroite #reseauxsociaux
Article mis en ligne le 9 janvier 2025

La montée d’une extrême droite globale est inséparable de l’évolution des réseaux sociaux comme première source d’« information ». L’affaiblissement des médias, tout comme la division de l’Europe, font partie du projet. Ce que montrent déjà Musk et Zuckerberg.

Les attaques d’Elon Musk contre des dirigeants européens et les propos du président Macron évoquant une « internationale réactionnaire », lors de la traditionnelle Conférence des ambassadrices et ambassadeurs, éclairent le fait majeur de notre époque, la montée d’une extrême droite globale.

Elle est globale, parce qu’elle accède de plus en plus au pouvoir, et y revient aux États-Unis avec Trump. Elle est globalisée, car dans l’espace occidental (Europe, États-Unis, Amérique latine), ses acteurs sont en réseau.

Ses leaders et influenceurs ont créé des liens réels via des conférences et autres réunions comme la grand-messe des conservateurs américains, la CPAC, qui depuis quelques années déjà a connu des déclinaisons européennes et latino-américaines.

Les nationaux-conservateurs, idéologues du trumpisme dont les conférences ont été déclinées à Rome, Bruxelles et Londres ces dernières années, en sont un autre exemple, également financé par des milliardaires conservateurs et notamment ceux de la Silicon Valley, source des plus grosses fortunes américaines récentes. Un aspect essentiel de cette stratégie, car c’est bien une stratégie, est leur connexion et leur amplification mutuelle grâce aux réseaux sociaux. (...)

Ce que les réseaux véhiculent, ce sont des récits, plutôt que des analyses factuelles, récits qui reposent souvent sur une sélection des faits voire sur des mensonges : le cas de Musk est exemplaire. Pendant la dernière campagne électorale aux États-Unis, il a été une source majeure de désinformation (...)

L’affaiblissement stratégique du journalisme

La montée des réseaux comme première source d’information est allée de pair avec un déclin de la place des médias « traditionnels », c’est-à-dire ceux qui font du journalisme selon les règles du métier, vérification des faits et croisement des sources. (...)

Et la défiance généralisée de notre époque a affecté également les médias, c’est évident. (...)

Dès sa première campagne en 2015, Trump, en expert des médias, a attaqué la presse, qualifiant de « fake news » toute information lui déplaisant, et désignant les journalistes comme des « ennemis du peuple ». L’expression « fake news » a connu un destin mondial grâce à la puissance du fil Twitter de Trump pendant son premier mandat, et servi d’inspiration à des lois contre la liberté de la presse dans plus d’une vingtaine de pays.

L’achat par Musk de Twitter en 2022 a porté ce processus à son paroxysme, tout en le rendant parfaitement transparent. Musk s’est offert Twitter pour accompagner sa folie des grandeurs, amplifier sa voix et sa croisade « antiwoke », et dominer le débat public (...)

évidemment profondément antidémocratique. C’est la définition même de l’oligarchie, dominée de plus en plus aux États-Unis par les nouvelles fortunes de la Silicon Valley.

La vidéo de Mark Zuckerberg publiée le 7 janvier, dans laquelle il annonce la suppression des équipes de modération du contenu, est aussi symptomatique de ce nouvel air du temps. En faisant allégeance à Trump et à Musk, Zuckerberg adoube cette nouvelle supposée définition de la « liberté d’expression », qui dans le nouveau Twitter de Musk est en fait la loi du plus fort, de celui qui décide des algorithmes, la loi du plus riche en fait.

Désorganiser l’Europe

Si Musk, comme Trump avant lui, comme Zuckerberg dans sa déclaration qui vise aussi la directive européenne sur les services numériques (DSA), s’en prend à l’Europe, c’est aussi pour d’autres raisons. La volonté d’affaiblir l’Union européenne et de diviser ses États est commune à tous ces acteurs du trumpisme (...)

Musk, qui s’est radicalisé plus récemment, met désormais aussi en œuvre cette stratégie avec une puissance décuplée par sa maîtrise des algorithmes de X. Dans sa vision toute personnelle de la « liberté d’expression », il n’a jamais hésité à supprimer ou à invisibiliser les voix qui lui déplaisent, et à obéir promptement à toute demande de censure de la part de dirigeants autoritaires, comme Erdoğan ou Modi. (...)

Trump veut traiter de manière bilatérale pour affaiblir le pouvoir commercial de l’UE et renverser le rapport de force en faveur de Washington. Musk et Zuckerberg craignent les nouvelles lois sur les Big Tech portées par le DSA européen.

Bannon, l’idéologue originaire qui cherche depuis plus de dix ans à accélérer l’avènement d’un moment populiste et d’une nouvelle contre-élite nationaliste, est anti-UE par « anti-globalisme », autre caractéristique principale de ce nouveau nationalisme du XXIe siècle. (...)

Ce que montrent Musk et Zuckerberg, en miroir parfait de ce qui s’était passé après 2016 puis 2020 – les efforts de modération des plateformes à la suite de l’ingérence russe, puis de l’assaut sur le Capitole encouragé par Trump –, est annonciateur de l’accélération déjà en marche avec le retour de Trump à la Maison-Blanche. Il ne faut pas s’y tromper : les nouveaux médias dominants, ce sont déjà eux. Et ils auront bientôt toute la puissance de l’État américain derrière eux.