
Pour sa première série de déplacements officiels, Donald Trump a décidé de se rendre à Los Angeles, en proie depuis plus de deux semaines à des incendies ravageurs. Sans que leur cause ait encore été déterminée, la presse états-unienne multiplie les révélations troublantes. (...)
Après avoir une nouvelle fois critiqué les autorités locales (de gauche) lors de son discours d’investiture, Donald Trump, à peine installé à Washington, a annoncé son intention de se rendre vendredi 24 janvier à Los Angeles, dans les zones sinistrées. Des zones abandonnées, laissées selon lui « sans défense ». Mais parmi les victimes, l’arrivée au pouvoir d’un président climatosceptique soulève beaucoup d’inquiétudes. (...)
À Los Angeles, impossible encore, la semaine dernière, pour les journalistes, de s’approcher du point de départ des quatre incendies qui se sont déclarés à quelques heures d’intervalle le 7 janvier : « C’est potentiellement une scène de crime », précise l’une des unités de police chargées de la surveillance des lieux. Derrière les cordons de sécurité, sous un ciel parfaitement bleu, des pelleteuses déblaient soigneusement la terre, sableuse et carbonisée.
À la télévision, où les images des braises ont tourné en boucle sur les chaînes d’information locales et nationales, on montre un bilan qui s’alourdit un peu plus chaque jour. Vingt-huit personnes ont trouvé la mort. Une vingtaine d’autres sont toujours portées disparues.
La faute à personne
Jusqu’à présent, un peu plus de 16 000 hectares ont brûlé, soit une superficie supérieure à celle de grandes villes américaines, à l’instar du quartier new-yorkais de Manhattan. Des milliers de maisons et d’infrastructures ont été réduites en cendres, en à peine quelques heures. Un nouvel incendie s’est par ailleurs déclaré à une cinquantaine de kilomètres au nord de Los Angeles, mercredi 22 janvier. Tandis que celui de Pacific Palisades est encore actif (contenu à 70 %).
À en croire cependant les interviews et les conférences de presse des officiels et responsables locaux, publics ou privés, personne ne semble être responsable. (...)
Les vents étaient trop violents, jusqu’à 150 kilomètres-heure. La nature « sans précédent » des événements a épuisé les ressources dont disposaient les secours, s’est également défendue la maire de Los Angeles, Karen Bass.
Questionné sur le lien entre l’un des quatre départs de feu et ses installations électriques, le PDG du groupe Southern California Edison (SCE), fournisseur d’énergie qui opère dans quelques-unes des zones affectées, a expliqué sur le plateau de la matinale la plus regardée des États-Unis que son groupe n’avait jusque-là détecté « aucune anomalie », notamment à Altadena, l’une des deux localités les plus dévastées. (...)
« Connaissant ce risque d’incendie extrême, Edison a délibérément donné priorité aux profits plutôt qu’à la sécurité ». Extrait d’une plainte contre le fournisseur d’électricité (...)
« L’incendie n’est pas le résultat d’un acte divin ou d’un cas de force majeure, lit-on dans l’une des plaintes. Le feu a été déclenché par des étincelles provenant de lignes à haute tension […] ou d’accessoires et autres équipements électriques […] appartenant à Edison. Ceux-ci ont enflammé la végétation environnante. »
« Connaissant ce risque d’incendie extrême, Edison a délibérément donné priorité aux profits plutôt qu’à la sécurité » des résident·es en refusant de couper préventivement l’alimentation électrique comme c’est l’usage, dans le secteur, dans ce type de situation météorologique et de géographie à risque. Ce n’est pas la première fois qu’un fournisseur d’énergie est pointé du doigt outre-Atlantique.
Retard des secours (...)
À Altadena, les premières alertes sont données par les habitant·es en fin d’après-midi, vers 18 h 10, le 7 janvier. Les ordres d’évacuation n’arriveront, eux, qu’une heure plus tard, à 19 h 26. Dans l’ouest de la ville, en revanche, certain·es habitant·es ne seront prévenu·es du danger que sept heures plus tard, selon une enquête du New York Times parue le 22 janvier. Dix-sept personnes trouveront la mort dans cette partie ouest de la ville, où le système d’alerte a dysfonctionné. Lorsque les bombardiers d’eau arrivent, il est déjà trop tard. Des vents de presque 160 kilomètres-heure clouent les engins au sol.
À Pacific Palisades, de l’autre côté de la ville, la réponse des autorités publiques semble suivre un schéma similaire : les responsables tardent à réagir. (...)
D’après les communications radio des différents équipages, analysées par le New York Times et le Washington Post, le 7 janvier, alors que le renfort aérien se met en place à Pacific Palisades juste avant 10 h 50, au sol, la situation apparaît chaotique. Il manque des hommes et un poste de commandement. (...)
Or, la maire démocrate de Los Angeles, Karen Bass, a précisément coupé dans le budget des pompiers de la ville, en réduisant l’an dernier de 7,9 millions de dollars les fonds disponibles pour payer ces heures supplémentaires. En déplacement officiel au Ghana, Karen Bass a par ailleurs été très critiquée pour son absence le 7 janvier. Alors que l’institut météorologique fédéral alertait sur des conditions « particulièrement dangereuses » à Los Angeles, l’élue a décidé de rester à Accra.
Une meilleure prévention avec les moyens actuels, y compris les 1 000 pompiers supplémentaires, aurait-elle cependant suffi à éviter une telle destruction ? « Probablement pas », estime auprès de Mediapart le professeur John Abatzoglou, qui étudie l’impact du changement climatique sur les feux de forêt à l’université de Californie.
Les systèmes publics actuels, qui souffrent déjà d’un sous-investissement, n’ont pas été conçus pour les conditions météorologiques extrêmes que l’on observe actuellement aux États-Unis. Des conditions associées selon les experts au changement climatique. (...)
« Toutefois, diverses mesures proactives, comme le dégagement de la végétation autour des maisons, auraient probablement aidé à limiter la propagation du feu d’une structure à l’autre en diminuant le combustible », explique John Abatzoglou. (...)
Aux États-Unis, plus de 16 millions de foyers comme le sien, installés dans l’ouest du pays, étaient situés en 2020 dans des zones sujettes aux incendies de forêt. La crise du logement à Los Angeles a en partie poussé les familles vers ces zones plus à risque, des parcelles souvent moins onéreuses. Les incendies qui font rage mettent néanmoins en lumière des responsabilités individuelles.
En 2008, la Californie a adopté l’un des codes d’urbanisme les plus stricts du pays, en imposant en particulier l’obligation pour les propriétaires d’enlever la végétation à proximité immédiate des propriétés. Une règle accueillie avec beaucoup de résistance par ceux qui apprécient de vivre près de la nature.
En dépit de ces règles strictes de 2008, parmi lesquelles figure aussi l’obligation de recourir à des matériaux qui ne risquent pas de brûler, la Californie, l’État le mieux préparé aux feux de forêt, continue d’être consumée par les flammes. Y compris ses nouvelles constructions. (...)