
Depuis plus d’un an, une communauté de près de 300 réfugiés sahraouis s’est installée près du quai Deschamp, et autour du Pont Saint-Jean. Sans papiers, ils fuient les exactions commises contre le camp de réfugiés de Tinduf, au Sahara Occidental. Depuis plusieurs mois, plusieurs associations humanitaires bordelaises se mobilisent pour tenter de faire réagir les pouvoir publics et permettre à ces hommes de vivre dans des conditions plus décentes. Aujourd’hui menacés par les crues et un avis d’expulsion, ignorés et en colère, les réfugiés veulent être entendus.
"La France, c’est le pays de la liberté, de la justice, de la démocratie ! Ici, on n’a rien du tout", crie Ahmedo, électricien sans papiers de 40 ans, au bord des larmes. Depuis près d’un an, il fait partie des quelques 300 jeunes hommes (pas plus de 40 ans pour la plupart) qui ont fui les exactions des autorités algériennes, du Front Polisario et des groupes intégristes perpétrés sur les quelques 150 000 réfugiés de Tinduf, au Sahara Occidental. Installés dans un campement fait de bric et de broc et de matériaux récupérés, ils se logent depuis janvier dernier sous le Pont Saint-Jean, à quelques minutes du centre ville de Bordeaux. A l’intérieur du camp, de la boue, des conditions de vie déplorables. Pas d’eau, il faut aller la chercher à plus d’un kilomètre. Pas d’électricité non plus. L’un des réfugiés nous montre un vieux frigo usagé, qui trône en plein milieu du camp, témoin d’un véritable "bidonville à ciel ouvert". (...)
Des associations viennent en aide aux réfugiésDepuis des mois, la Ligue des Droits de l’Homme, la CIMADE et l’ASTI (Association de Soutien aux Travailleurs Immigrés) dénoncent cette situation auprès des pouvoirs publics, qui peinent à répondre à la demande. Quelques privilégiés ont déjà été logés 2 ou 3 jours dans des hôtels, la plupart sont sans papiers et sans travail. "Nous ne sommes pas des animaux", tempête Ahmedo. Les femmes et les enfants, eux, sont logés ailleurs, à Villeneuve d’Ornon. Selon un journaliste présent sur place, cette situation est la même depuis longtemps. Le propriétaire du terrain sur lequel les réfugiés sont installés aurait même fait une demande d’expulsion, "craignant le risque d’inondations". "Le logement et l’hébergement de ces personnes, leur protection, sont obligatoires, prévues dans la Convention de Genève. La préfecture de Gironde a plusieurs fois été condamnée par le tribunal administratif pour leur abandon des demandeurs d’asile. Un deuxième campement a même été ouvert, faute de place".
Dans le deuxième site, près de la bretelle de sortie du Pont Saint-Jean en direction du centre-ville de Bordeaux, les conditions ne sont guère plus reluisantes. (...)
"C’est scandaleux de voir que rien ne bouge, et que tout le monde fait la sourde oreille. Il y a quantité de bâtiments abandonnés ou non utilisés dans les alentours qui pourraient être réquisitionnés pour permettre à ces hommes de vivre au moins un peu plus décemment", affirme Jean-Claude Guicheney, de la Ligue des Droits de l’Homme de Bordeaux. "Tout ce qu’ils veulent, c’est qu’une solution concrète soit trouvée, pour ne plus qu’ils dorment sous un pont". Certains réfugiés improvisent un feu en brûlant du papier dans un vieux barril. D’autres pataugent dans la boue et les flaques d’eau, mais ici pas de haine.
Certains, le sourire aux lèvres, gardent encore espoir. "On espère tous qu’on va nous sortir de là. Je suis là depuis le mois d’août 2013, ça commence à faire long". En attendant, les solutions d’hébergement tardent à venir, et les associations veulent alerter les pouvoirs publics et les élus.(...)