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le Monde Diplomatique
Machines hostiles
Programmées pour dominer
Article mis en ligne le 14 septembre 2011
dernière modification le 12 septembre 2011

Il n’est pas difficile de faire l’expérience de la violence des portillons automatiques dans les couloirs du métro parisien. Un défaut d’attention, un mouvement décalé, un sac à dos un peu large, un enfant tenu par la main qui n’accepte pas de se presser… et la tenaille de caoutchouc broie les épaules ou frappe les tempes. L’aventure fait sourire les usagers quotidiens du métro : ceux-là ont appris à s’adapter aux machines. Les victimes elles-mêmes n’incriminent que leur propre maladresse. Mais imaginons un instant que ces portillons soient remplacés par des vigiles chargés de distribuer des claques ou des coups aux clients ne circulant pas à la bonne vitesse : ce serait scandaleux, insupportable. Nous l’acceptons pourtant de la part des machines, car nous savons qu’elles ne pensent pas. Nous estimons, en conséquence, qu’elles ne sont animées d’aucune mauvaise intention. Erreur : si les automates n’ont pas conscience de leurs actes, ils obéissent toujours à un programme, produit d’un réglage intentionnel. Dans d’autres villes, on trouve des composteurs, mais pas de portillons ; ailleurs, la validation des tickets est effectuée sous surveillance humaine ; et, à Aubagne ou à Châteauroux, les transports urbains sont… gratuits.

D’innombrables dispositifs programmés gèrent ou assistent notre quotidien. Qui n’est jamais devenu fou face à l’un de ces serveurs vocaux interactifs intimant d’« appuyer sur la touche étoile » ou d’articuler à voix in-tel-li-gible des expressions grotesques : « Si vous désirez des informations, dites “information” » — « Information » — « Je suis désolé mais je n’ai pas compris votre réponse, veuillez réessayer » — « In-for-ma-tion » — « Veuillez rappeler ultérieurement » ? (...)

Les pratiques du marketing téléphonique ou des services d’assistance en ligne ajoutent un paramètre à ce problème : à qui parlons-nous vraiment lors de ces échanges programmés ? Dans de nombreux cas, les employés des centres d’appel suivent un logiciel « expert » et ne disposent d’aucune marge de manœuvre. (...)

Pour finir, les téléopérateurs dont la conversation suit un scénario programmé ont l’avantage d’être parfaitement interchangeables. Travaillant un jour pour une administration, le lendemain pour un opérateur de téléphonie et le jour suivant pour un institut de sondages, ils bénéficient d’une très courte formation consistant avant tout à apprendre à ne plus prononcer que des phrases positives (on ne dit pas « ce n’est pas possible » mais « nous mettons tout en œuvre pour résoudre votre problème »). (...)

Comment reprendre en main notre « destin numérique » à une époque où, étant tous utilisateurs d’outils programmés, nous risquons d’en devenir la chose ? Les débats qui entourent les questions du hacking — utiliser un outil numérique au-delà de son mode d’emploi (4) —, du logiciel libre — ne rien ignorer du fonctionnement d’un programme et pouvoir l’améliorer — ou du bricolage (do it yourself) sont bien plus politiques que technologiques. (...) Wikio