Bandeau
mcInform@ctions
Travail de fourmi, effet papillon...
Descriptif du site
Reporterre
Les marchés financiers spéculent sur les catastrophes que provoquera le changement climatique
Article mis en ligne le 8 janvier 2017
dernière modification le 4 janvier 2017

Jouer sur les catastrophes naturelles à venir pour s’assurer un bon rendement quand les marchés boursiers flageolent : c’est la dernière mode chez les assureurs et les financiers. Bienvenue dans le monde des cat bonds, les placements sur la catastrophe !

On connait Axa, cette compagnie française d’assurances qui est une des premières du monde. Mais qui sait qu’en novembre dernier, Axa a battu un record en matière de levée d’argent sur les marchés financiers ? Pour se prémunir contre les risques de tempête en Europe, l’assureur français a émis une « obligation-catastrophe » (en anglais « catastrophe bond » ou « cat bond ») de 350 millions d’euros, un montant record en Europe.

Le deal avec les investisseurs est simple. Si d’ici fin 2016 ou d’ici fin 2017 (le cat bond d’Axa se décompose en deux classes de 185 millions et de 165 millions), aucune tempête n’occasionne de dégâts dépassant le seuil prévu dans le contrat, ils empochent leur rémunération (2,60 % pour les obligations de classe A et 2,90 % pour celles de classe B, un « coupon fixe » auquel s’ajoutent les intérêts du capital). Dans le cas contraire, ils peuvent perdre jusqu’à l’intégralité de leur mise. (...)

es contrats d’assurance transformés en action que sont les « obligations catastrophe » sont une affaire de spécialistes. « L’émission d’un cat bond réunit autour de la table l’émetteur, ses juristes, des banquiers conseils et des experts en modélisation climatique car les catastrophes sont assurées dans des conditions techniques et financières très précises », explique Lofti Elbarhdadi, directeur du secteur Assurances de l’agence de notation Standard & Poor’s.

Une banque d’affaires part ensuite lever les fonds lors des « road shows » qui réunissent les investisseurs potentiels. (...)

Ce petit bijou d’ingénierie financière n’est pas une nouveauté. Les assureurs se prémunissent contre les catastrophes naturelles majeures grâce aux cat bonds depuis une vingtaine d’années. (...)

les cat bonds permettent aux financiers d’être moins dépendants des cycles des marchés boursiers usuels.

Les investisseurs apprécient d’autant plus les « obligations catastrophe » qu’elles peuvent être très rentables. « Les rendements des cat bonds varient d’un peu moins de 2 % à plus de 15 % en fonction du niveau de risque », indique Thomas Kretzschmar. (...)

« Il arrive aussi que les investisseurs perdent leur mise (l’obligation catastrophe fait alors « défaut » ou « rencontre son risque ») mais c’est très rare : cela ne s’est produit qu’une dizaine de fois dans l’histoire des cat bonds, ce qui montre combien les conditions qui prévalent au paiement sont spécifiques. Les assureurs n’ont recours aux obligations catastrophe que pour se couvrir face à des évènements vraiment exceptionnels », relève Razmig Keucheyan.

La réponse de l’industrie de l’assurance au dérèglement climatique

Maître de conférence à la Sorbonne, il vient de publier La nature est un champ de bataille, un essai dans lequel il dénonce la prolifération des produits financiers « branchés » sur la nature, « obligations catastrophe » mais aussi « marchés carbone », « droits à polluer » ou « dérivés climatiques ».

Il considère les obligations catastrophe particulièrement symptomatiques de cette dérive (...)

« Imaginer confier à la finance la gestion et la régulation des risques naturels est une aberration ! », s’insurge Maximes Combes.

Celui-ci, économiste et membre d’ATTAC, est catégorique : « Les mathématiques financières et économiques sont incapables de tenir compte du caractère immense et dramatique des risques encourus avec les catastrophes climatiques et le système financier international n’est pas de nature à assurer suffisamment de stabilité, de cohérence et de résistance face à un risque systémique de cette importance ». (...)