
Ingrédient essentiel du Doliprane et de l’Efferalgan, le paracétamol est désormais importé à 100 % d’Asie, de Chine notamment. Plusieurs acteurs de la santé s’inquiètent du manque de contrôle exercé sur ces lointains sites de production. Pointant la baisse de qualité de cet antidouleur, ils soulignent qu’aucun recours ne serait possible en cas de malfaçon du fait de la complexité de la filière.
(...) La captation de ce marché par la Chine et l’Inde s’inscrit dans la modification radicale des conditions de fabrication des médicaments de ces vingt dernières années.
« D’une fabrication quasi locale de l’ensemble des ingrédients entrant dans la composition des médicaments (principes actifs, excipients) ainsi que des médicaments eux-mêmes, avec un petit nombre d’acteurs bien identifiés et connus des autorités de santé, nous sommes passés à une dispersion planétaire et à une dissémination des chaînes de production et de distribution », résumait l’Académie de pharmacie en juin 2011 dans un document synthèse de journées de travail consacrées à la mondialisation des matières premières pharmaceutiques. (...)
« Aujourd’hui, 80 % des principes actifs utilisés sur le Vieux Continent viennent de l’étranger. D’Inde et de Chine, surtout », rappelle Susanne Keitel, docteur en pharmacie, directrice de la Direction européenne de la qualité du médicament et soins de santé du Conseil de l’Europe (DEQM). Pour nombre de médicaments, dont le paracétamol, seules les phases finales de réalisation (conditionnement en comprimés, en gélules, etc.) se déroulent désormais en France. (...)
Les produits médicamenteux qui pénètrent sur le sol européen sont soumis à une procédure de certification par la DEQM. Pour les produits finis, une inspection régulière (tous les deux ou trois ans) des sites de production est obligatoire. En revanche, les sites de production des seuls principes actifs « ne sont inspectés qu’en cas de risques identifiés, détaille Susanne Keitel. Soit dans le dossier déposé pour demander le certificat. Soit suite à une autorisation de mise sur le marché suivie de remarques sur des effets secondaires surprenants. » Sur les 12 sites de production asiatiques de paracétamol actuellement concernés par des demandes de certification, 4 ont ainsi été inspectés. « Ils n’étaient pas en conformité avec les bonnes pratiques de fabrication (BPF) : soit la formation des personnes qui travaillent n’était pas adéquate, soit l’assurance de qualité n’allait pas, soit l’équipement n’était pas adapté. »
L’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps), peu loquace sur le sujet, souligne simplement que « les spécialités à base de paracétamol ne font pas l’objet d’un nombre de "défauts qualité" plus important qu’attendu pour tous les médicaments ». Reste que la possibilité de passer entre les mailles du filet de l’inspection, définie par le législateur, inquiète les membres de l’Académie de pharmacie, ainsi que des médecins généralistes, habitués à prescrire l’antidouleur. (...)
Aucune des recommandations formulées par l’Académie de pharmacie n’a pour le moment été suivie d’effet, ni même d’annonce, dont la campagne présidentielle nous inonde pourtant. « Le ministère s’est pour le moment concentré sur d’autres priorités », regrette François Chast. Les syndicats restent cois, de même que Sanofi, propriétaire de la marque Doliprane, malgré plusieurs sollicitations.