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Face aux flammes qui dévorent la Grèce, le gouvernement coupable ?
/Alexandros Kottis
Article mis en ligne le 14 août 2021

« Rien n’est plus amer que d’avoir la nostalgie de son pays, quand on vit dans son pays. » Les vers de Georges Seferis, prix Nobel de littérature en 1963, résonnent dans le cœur de nombreux Grecs en cette période douloureuse.

La disparition de 100.000 hectares dans le pays, partis en fumée dans des incendies d’une ampleur historique, laisse un vide aux conséquences dramatiques. Encore précisément inestimables, les dégâts économiques et environnementaux semblent déjà colossaux. Dans le Péloponnèse, sur les îles de Kos et de Rhodes, dans la banlieue d’Athènes et surtout dans le nord d’Eubée, les flammes ont englouti forêts, animaux et maisons dans une « une catastrophe écologique immense », selon les mots du Premier ministre conservateur Kyriákos Mitsotákis.

Officiellement maîtrisés ce vendredi 13 août, les incendies se sont propagés pendant deux semaines, mettant en lumière l’inefficacité d’un État faible et mal préparé contre un phénomène qui se répète pourtant (...)

Un « Immense bordel »

Les pompiers grecs actifs, estimés à 14.000, ont souffert de la comparaison avec leurs homologues venus de Roumanie, de République Tchèque ou de Slovaquie, combattre à leurs côtés. Avec une moyenne d’âge supérieure à 45 ans et des conditions physiques limitées, les Grecs peinent à rendre efficaces leurs opérations. Ils travaillent avec des équipements vétustes, composés de lances à eau trouées et de camions vieux de plus de dix ans.

Après une décennie d’austérité et des coupes budgétaires dans les services de l’État, le corps des pompiers s’est considérablement affaibli. Dimitris Stathopoulos, président de la fédération des pompiers de Grèce, estime à 4.000 les embauches nécessaires immédiatement. « Nous sommes constamment en alerte. Nous avons des pénuries contre les incendies », commente-t-il. Sur les 74 bombardiers et hélicoptères dont dispose le pays, seuls vingt volaient en même temps. (...)

Financés à hauteur de 1,7 million d’euros, bien loin des 15 millions réclamés pour travailler à la prévention des incendies, les services forestiers manquent également de moyens et les dernières ouvertures de postes permanents datent de 2008. Difficile d’entretenir et de protéger les régions boisées dans ces conditions.

Le gouvernement se targue d’avoir sauvé les vies humaines en priorité –trois personnes sont décédées au cours des incendies– en multipliant les ordres d’évacuation. « Nos plans d’évacuation ont fonctionné. Notre stratégie de sauver les villages a fonctionné », a défendu Kyriákos Mitsotákis lors d’une conférence de presse très attendue le jeudi 12 août.

Mais la stratégie, au-delà de témoigner de la faiblesse des forces opérationnelles, a rarement été appliquée sur le terrain par des habitants voulant coûte que coûte sauver leurs maisons. Pour pallier l’absence des services de l’État, les citoyens refusaient de quitter les villages, usant de jets d’eau, de tracteurs et de branches d’oliviers pour protéger leurs foyers. Les scènes aussi chaotiques qu’héroïques se sont multipliées pendant des jours pour sauver ce qui pouvait l’être. (...)

Politiques contestées

Après avoir esquissé des excuses lors d’une allocution télévisée plus tôt dans la semaine, sur des « possibles erreurs » commises par l’État, Kyriákos Mitsotákis s’est retranché le jeudi 12 août derrière les conséquences du changement climatique pour expliquer les proportions des feux de forêt. « Le phénomène n’est pas uniquement grec », a-t-il insisté, rappelant des situations similaires en Italie, en Algérie et en Turquie. (...)

Avec un épisode caniculaire d’une semaine début août, le deuxième de l’été en Grèce, les températures à plus de 40 degrés et la sécheresse ont favorisé les conditions pour des départs de feu.

Mais pour Dimitris Karavellas, directeur général de WWF Grèce, « la crise climatique n’est pas une excuse pour échouer. Elle doit être une alarme pour changer ». Et d’ajouter : « Sauver des forêts va nous demander de nous adapter et de mettre l’accent sur la prévention des incendies et une meilleure gestion des forêts. »

« Le gouvernement, tout comme le précédent, n’a pas investi pour défendre la biodiversité et les personnes qui en dépendent », accuse Alexandra Messare, directrice des programmes en Grèce pour Greenpeace. (...)

La situation actuelle n’est pas la seule responsabilité du gouvernement Mitsotákis mais résulte de décennies de gestions calamiteuses et criminelles. Le parti dit « de gauche radicale » Syriza, était au pouvoir pendant les incendies de Mati ayant provoqué la mort de 102 personnes en 2018. Encore avant, le parti conservateur de la Nouvelle Démocratie gouvernait déjà en 2007 lors des feux meurtriers dans le Péloponnèse.

Changer les priorités (...)

Au cours d’un été où la douceur de l’Égée a laissé place à l’enfer des brasiers, il est temps de changer.