
Sept milliards d’euros en moins pour la santé publique. Le nouveau plan de rigueur annoncé il y a un mois par le gouvernement de Mariano Rajoy vient frapper un secteur public déjà bien affaibli. La médecine privée, elle, se porte comme un charme.
(...) Le plan d’austérité décrété en 2010 par le gouvernement du socialiste José Luis Rodriguez Zapatero fut{{ « le premier signal du tsunami de coupes budgétaires qui allaient toucher la santé publique en 2011 »}}, rappelle Hector, du syndicat des médecins de Catalogne (Metges de Catalunya). Mais, dans un pays où la santé et l’éducation publique sont des compétences aux mains des communautés autonomes, les Espagnols n’ont pas tous ressenti ce tsunami au même moment. (...)
{{Pour les Catalans, les premières coupes budgétaires ont eu lieu dès l’été 2011}}, juste après la victoire du parti régionaliste conservateur CiU aux élections locales de mai. « {{Pendant cent jours, seuls les patients urgents ont été opérés. Les opérations pour des pathologies n’engageant pas la survie des patients ont été retardées, ce qui a beaucoup affecté leur quotidien.}} J’ai vu des patients venir pour des problèmes de dos. Ils ne seraient peut-être pas en chaise roulante aujourd’hui si on avait pu les opérer à temps », se lamente Teresa Fuentelsaz, anesthésiste à l’hôpital de Bellvitge de Barcelone, qui avoue avoir vécu un cauchemar cet été. (...)
« {{Le principal problème dont souffre l’hôpital public est l’accessibilité aux soins.}} Un patient peut attendre de six mois à deux ans avant de réaliser son opération. Sans compter qu’entre le moment où son médecin lui demande de faire des tests à l’hôpital et celui où il est admis, il peut aussi s’écouler plusieurs mois », diagnostique Teresa Fuentelsaz. (...)
{{En deux ans, l’Etat a donc réduit l’investissement dans la santé publique de 9%}}, soit 5 milliards d’euros, selon une étude de la Fédération des associations pour la défense de la santé publique (FADSP). Mariano Rajoy, le président du gouvernement, a justifié cette baisse d’investissement par le fait que l’Espagne « a vécu au-dessus de ses moyens » sous le gouvernement socialiste.
{{Acculé par Bruxelles à faire un effort de 35 milliards d’euros d’économie}} en 2012 pour réduire le déficit public de 8,51% à 5,3% du PIB, le gouvernement avait annoncé le 30 mars dernier un budget annuel plus austère que jamais. Dix jours plus tard, Madrid annonçait 7 milliards d’euros de coupes supplémentaires dans le budget sanitaire et 3 milliards dans l’éducation. (...)
Les journalistes, n’obtenant aucune explication du gouvernement sur cette surenchère inattendue, sont allés les chercher dans les rangs de la majorité : {{« Les principes de la santé espagnole universelle, équitable, gratuite et solidaire sont utopiques », leur a donc livré lundi 16 avril le porte-parole du PP de la commission de la santé du Sénat. }} Son argumentaire est laconique : « Il n’y a pas d’argent. »
Pour y remédier, le gouvernement a annoncé mercredi 18 avril que les retraités paieront 10% du prix des médicaments en pharmacie. Les chômeurs, à l’inverse, ne paieront plus 40% du médicament, « jusqu’à ce qu’ils trouvent du travail ». Une économie de
3,5 milliards d’euros est annoncée. (...)
{{En Catalogne, la loi Omnibus, qui vise à adapter le secteur tertiaire à la libéralisation prévue par la directive européenne Bolkenstein, prévoit que les hôpitaux publics louent à des organismes privés les établissements fermés pour cause de restrictions}}. Résultat : « à l’Hospital Clínic de Barcelone, désormais, le patient ayant une assurance privée est opéré en priorité », résume Teresa Fuentelsaz. (...)
{{D’un côté, des lits d’hôpitaux publics qui ferment aux quatre coins de l’Espagne, de l’autre, des hôpitaux à gestion privée qui pullulent et de nouveaux marchés pour les assurances privées.}} Le contraste saute aux yeux d’un nombre croissant d’Espagnols, qui peinent à croire que la réduction du budget de la santé publique soit une fatalité.{{ « Ce n’est pas la crise, c’est la privatisation »}} (...)
Le syndicat des médecins n’en démord pas : il vient de {{soumettre une demande au Défenseur du peuple sur la constitutionnalité des coupes.}}
Les professionnels de la santé ne sont pas les seuls à vouloir passer par la justice.{{ Le 21 mars, une plateforme citoyenne réunissant des professionnels du monde juridique et sanitaire ainsi que plusieurs groupes d’Indignés, dont Democracia Real Ya !, ont déposé plainte devant le procureur de Catalogne. }} Ils invoquent l’article 542 du Code Pénal, qui dispose que commettent un délit tous les fonctionnaires publics « qui, de manière avérée, empêchent à une autre personne l’exercice de ses droits civiques reconnus par la loi ». Car, n’en déplaise à Boi Ruiz, l’{{article 43 de la Constitution espagnole reconnaît « le droit à la protection de la santé » et proclame qu’« il incombe aux pouvoirs publics d’organiser et de prendre sous leur tutelle la santé publique à travers des mesures préventives, des prestations et des services nécessaires ». I}}
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