
Ils sont détenus. Depuis le 2 mai pour l’un d’entre eux. Pour avoir voulu, dans le respect de la légalité, demander à la France asile et protection.
Ils n’ont causé aucun tort. A personne. ils sont détenus.
Ils ne se sont pas cachés, ils se sont rendus à toutes les convocations. Ils sont détenus.
Ils se sont mis avec courage et joyeusement, à apprendre le français ; ils se sont fait des amis, ils ont commencé cicatriser un peu leurs blessures psychiques (ils viennent de l’enfer). Ils sont détenus.


Et quand le Préfet cesse de les détenir c’est pour les expulser.
Ils pensaient pouvoir finir ici leur douloureuse errance. Ils sont expulsés.
Ils pensaient qu’un pays riche comme la France se donnerait quelques moyens pour les accueillir durablement. Ils sont expulsés.
Ils comptaient sur la solidarité d’un pays où le quotidien n’est pas l’enfer. Ils sont expulsés.
Nous n’acceptons pas cette politique. Nous ne voulons pas en être complices. Et nous le disons, le répétons et le répèterons.

Pourquoi devant l’hôtel de Police ? nous demande ce policier. Il y a des lieux plus fréquentés, avec un public, mais ici ??
Bonne question ! c’est juste que nos amis demandeurs d’asiles sont enfermés ici, précisément.
– mais de toutes façons ils ne le savent pas, que vous êtes ici !
– Oh que si ils le savent ! on s’en occupe !
Bon. Ce policier par ailleurs fort aimable, a tenté de nous convaincre que nous faisions erreur sur les personnes : certains font la manche et leur Mercédès est garée un peu plus loin ! Il a du coup bénéficié d’une remise à jour détaillée, parce qu’apparemment il était branché "fake news"...


B. accepté d’accompagner Naïma aujourd’hui. Ce qui lui a coûté un gros effort. Il va très mal. Pas encore enfermé, mais complètement démoralisé par ce qui l’attend.
Il a fui le Soudan, il a été vendu en Libye, il a bravé tous les périls. Ici il était tellement heureux d’être soutenu, entouré, il apprenait le français joyeusement et avec énormément d’application. Savoir qu’il est à nouveau destiné à l’expulsion, aux hasards de l’errance le rend malade. Il en perd le goût de la vie. il nous dit qu’il préfère qu’on le renvoie mourir directement au Soudan.
Ses amis se relaient en permanence pour ne pas le laisser seul tellement ils se font de souci pour lui.


Il nous paraît évident qu’il a besoin de soins. Donc de rester ici avec une prise en charge appropriée. Mais les évidences administratives ont déjà tranché dans des situations comparables : tous les pays d’Europe peuvent prodiguer ces soins.
Et donc l’Italie, bien sûr, est en état de recevoir, organiser l’accueil de tous, et mettre en place en urgence les soins appropriés ... Curieux, nous n’avons pas les mêmes informations. Encore des "fake news" ?


Tout à coup, surgissement de policiers à moto avec sirènes... Et nous voyons arriver une manif, drapeaux anti-fascites, pétards et fumigènes.


Une porte-parole vient nous dire que la manif est là pour se joindre à nous, par fidélité à la mémoire de Clément Méric, et de ce fait, pour manifester la solidarité de tout ces jeunes gens avec ceux qui sont détenus ici, au CRA.
Nous étions une cinquantaine, mais par ce "prompt renfort", nous étions trois fois plus nombreux à soutenir les exilés si peu pris en considération par notre gouvernement et le Préfet de notre région. Mais nous ne sommes pas encore arrivés "au port"...

Clément Méric : la mort en sept secondes

A la demande des nouveaux arrivés, nous exposons les raisons pour lesquelles nous nous rassemblons pour la quatrième fois devant l’Hôtel de Police.

Nous racontons l’histoire de notre rencontre avec ces hommes fuyant un pays devenu invivable pour eux,

Nous racontons l’histoire de la mise en place des CAO et comment nous, citoyens, avons fait notre possible pour qu’un accueil humain et chaleureux se mette en place

Nous racontons les différences de traitement selon que les hasards de l’errance ont fait passer les uns par Calais et pas les autres

Nous témoignons de notre colère, de notre indignation, de notre déception

Nous parlons de notre mobilisation, du peu d’écoute qu’elle a rencontré jusqu’ici

Et de notre ferme intention de la poursuivre

Nous parlons du témoignage aujourd’hui de B. pour qui c’est une telle souffrance de devoir être enfermé puis expulsé.

Les jeunes manifestants nous écoutent avec beaucoup d’attention et d’empathie. Ils applaudissent. ils se montrent chaleureux envers B.

Et nous leur disons combien il est important que nous soyons nombreux demain, à midi devant la Préfecture, pour demander une réponse à nos questions.

Et avant de nous quitter nous scandons avec eux :
"Brique par brique, détruisons les centres de rétention !"