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Dématérialisation des aides sociales : une politique de l’absurde ?
#numerique #informatique #dematerialisation #inegalites
Article mis en ligne le 26 juin 2023

Nous vivons un curieux paradoxe dans les services sociaux. Nombreux sont convaincus des effets positifs de la dématérialisation des procédures alors qu’à l’inverse, les « tracas administratifs » se multiplient. Ils mettent les travailleurs sociaux à la peine. Ils tentent de gérer au mieux les besoins des personnes qui sont désormais « otages » des plateformes en ligne qui amplifient leurs dépendances aux professionnels.

Une administration digitale déconnectée de la réalité sociale de la population

À partir du milieu des années 2010, l’opinion publique avait pourtant pris conscience du non-recours significatif aux dispositifs d’aide sociale, notamment au RSA (Revenu de Solidarité Active). Des efforts ont alors été engagés pour simplifier l’accès aux droits sociaux. Certains professionnels dénonçaient déjà des procédures trop complexes et stigmatisantes. Le numérique devenant une barrière insurmontable pour les plus démunis. On aurait pu donc s’attendre à ce qu’une vague de réformes conduise à une réduction du « fardeau administratif » et à une automatisation des droits, comme le suggéraient divers rapports publics. Eh bien non ! C’est encore et toujours à chacun de se débrouiller avec les moyens du bord.

Malgré l’anticipation d’une transition vers une administration plus digitale, la procédure pour obtenir le RSA est restée inchangée. (...)

En outre, le mouvement de dématérialisation a même ajouté un niveau de complexité, déplaçant une partie du travail d’accès aux droits sur les demandeurs eux-mêmes. Et lorsqu’ils se trompent, leurs dossiers sont traités comme s’ils étaient des fraudeurs.

Ainsi, la dématérialisation, loin d’alléger le fardeau administratif, l’a aggravé. (...)

Une opportunité pour les administrations

Le processus de dématérialisation ne s’arrête pas là. En effet, il a également conduit à une réorganisation des administrations et service qui a longtemps été dénoncée par les travailleurs sociaux. Plus de permanences d’accueil en zone rurale, mais des rendez-vous à distance. Les CAF (Caisses d’Allocations Familiales) disposent d’espaces de « libre-service » où les demandeurs peuvent gérer leurs droits de manière autonome – en étant éventuellement aidé. En parallèle, les CAF et les MSA (Mutualité Sociale Agricole) ont modifié leur implantation territoriale, se repliant vers les centres urbains et fermant les antennes en milieu rural.

Deux facteurs peuvent expliquer cette modernisation. D’une part, elle est le résultat de contraintes économiques pesant sur les administrations sociales. D’autre part, cette modernisation contribue à améliorer l’image des CAF et des MSA. L’absence apparente de files d’attente offre une occasion de démontrer leur réactivité et leur rapidité. Cela contrebalance les critiques passées sur leur lenteur. Cependant, la réalité est plus complexe. L’attente n’a pas disparu ; elle a simplement été déplacée vers les espaces numériques. Et ceux-là, on ne les voit pas (...)

L’accès aux droits est devenu un défi encore plus grand, en raison de l’incapacité de nombreux allocataires à se conformer aux nouvelles exigences numériques. Les personnes vulnérables, qui sont généralement les plus touchées par l’illectronisme, sont particulièrement affectées par ce phénomène. (...)

Mais où est l’humain ?

L’autre conséquence de cette digitalisation est l’absence d’interaction humaine, qui était auparavant cruciale pour comprendre et naviguer dans le système complexe des prestations sociales. (...)

La dématérialisation avait été présentée aux travailleurs sociaux comme un moyen de simplifier l’accès aux droits. Ceux-ci qui se confrontent au monde réel ont la preuve concrète qu’elle a au contraire amplifié le fardeau administratif, tout en créant de nouvelles barrières pour les personnes vulnérables. (...)

Il y a urgence à réhumaniser les services administratifs des services publics qui gèrent les prestations sociales. Pour cela, il leur faut des moyens en personnel formé. C’est une priorité.